lundi 4 septembre 2023

Bilan final de 5 années d'essais de culture des morilles

J'ai passé cinq années à éplucher la bibliographie et faire divers essais de culture en jardin avec plus ou moins de succès. J'ai été contacté et ai échangé avec un certain nombre de cultivateurs. J'ai parfois eu la chance d'observer leur mode de culture sur site. J'ai vu les recettes les mieux gardées. Nous avons échangé des souches, des pratiques culturales et des canons de rouge, certains cultivateurs ont même testé avec plus ou moins de succès des souches isolées par mes soins. Voici mes conclusions :

- La culture des morilles demande un alignement des planètes assez précis (plus ou moins contrôlable mais plutôt moins que plus) concernant la souche, la terre, la date de semis, le climat hivernal, les pluies printanières et les contaminants. Ces points ont été abordés en longueur sur ce blog et je ne reviendrai pas dessus. La moindre erreur de culture ou le moindre aléa climatique (paramètre totalement incontrôlable) sont sanctionnés par une absence de récolte. Même une colonisation parfaite du sol et des ENB (ou d'un de leurs substituts), un blanchiment massif et une bonne humidification au printemps peuvent donner un flop total, pour la raison qui suit (et probablement d'autres).

- La culture n'est possible que 2-3 ans consécutifs sur le même emplacement, y compris en comptant les années de culture qui ont échoué. Je pensais initialement à un épuisement du sol en une ressource quelconque, je pense maintenant plus à un métabolite assez stable chimiquement qui s'accumule, ou tout simplement des contaminants devenant rapidement incontrôlables (par exemple à cause d'une modification irréversible de la flore bactérienne du sol dont le mycélium se nourrit activement). Quelles que soient les raisons, la fructification à un même emplacement est inhibée au bout de quelques années. Le renouvellement partiel du sol et les amendements divers et variés ne changent pas la donne. La morille du clade elata n'est pas une espèce pionnière pour rien ! Le scénario type chez les cultivateurs en serre est celui-ci: première année culture avec faible maîtrise du procédé et récolte notable car le sol est "propre". Deuxième année sol encore acceptable et bonne maîtrise du procédé, bonne récolte. Troisième année et suivantes: plus rien ou quelques rares morilles isolées et infestées de moisissures quels que soient les efforts fournis et la qualité du semis. La culture des morilles est donc une culture nomade. Sa réussite ponctuelle en serre (possible et avérée) ne rendra les échecs inévitables des années suivantes que plus frustrants. Ceci n'est pas contradictoire avec la présence naturelle de places à morilles de clade elata "rémanentes". En mettant de côté le fait que je n'ai jamais observé de pousses dans la nature exactement deux fois au même endroit en 20 ans (mais oublions ce léger détail), on ne parle tout simplement pas ici de la même quantité de mycélium dans le sol, ni de la même dégradation de l'équilibre bactérien en présence.

-  La culture des morilles n'est pas une activité économiquement viable. J'entends par viable le fait de rembourser son investissement, l'achat de mycélium et des entrants, le temps passé sur la culture, la mobilisation du terrain, la mise en conformité des espaces agricoles, etc. La culture à fin de loisir est effectivement possible et plutôt amusante, les récoltes peuvent même être ponctuellement impressionnantes, mais il est impossible de faire le moindre bénéfice net. Au mieux en produisant son mycélium avec du matériel existant, en disposant gratuitement d'une surface de culture différente chaque année et en étant assez tolérant avec le concept de temps libre, la culture peut tout juste ne pas être faite à pertes. Si vous voulez vraiment faire des bénéfices avec la culture des morilles, faites comme pendant la ruée vers l'or, vendez des pelles ! (enfin du mycélium quoi).

- La souche est primordiale: elle doit être fructifère et conservée dans de bonnes conditions de froid et de stérilité après isolement. L'aspect de la souche en boite de pétri ne conditionne pas son caractère fructifère (une souche très vigoureuse et formant des sclérotes en pétri peut être "stérile" in fine en culture). Je n'ai toujours pas compris si les souches pouvaient être conservées d'une année sur l'autre réfrigérées (et repiquées de temps en temps sur une gélose neuve) ou s'il fallait refaire un passage en terre obligatoire, tant les résultats que j'ai eu ont été non reproductibles, que ce soit avec des souches de culture "certifiées" ou des souches sauvages. Attention, une souche fructifère peut également être culinairement décevante, pour rajouter au "fun" de cette culture.

- La culture indoor est encore en cran au dessus niveau aléatoire. Dans tous les cas, elle ne consiste qu'en une reproduction de la culture outdoor dans des contenants et se mène en milieu non stérile, c'est même le secret du procédé Ower. Il n'empêche que ce procédé est encore moins tolérant aux contaminants (milieu confiné) et demande une gestion climatique active qui n'a strictement aucun sens énergétiquement.

Voilà mes principales conclusions. Après relecture à froid de l'ensemble du blog, tout ce dont je parle ici est dejà écrit dans les différents articles. Je souhaite sincèrement les pertes financières les plus modérées possibles à tout ceux qui ne me croient pas et pensent faire des bénéfices. Pour les autres, amusez-vous bien sans espérer autre chose que des récoltes aléatoires...

Vous pourrez trouver ici l'ensemble des documents à télécharger sous les différents articles de ce blog. Cela représente des centaines de pages de lecture et des centaines d'heures de travail, bonne lecture au coin du feu avec un bon verre de Vouvray à la main !

Je continue à faire des essais avec la méthode Molliard (tas de matière organique oubliés aux éléments) car aléatoire pour aléatoire, cette méthode est facile et pas pire qu'une autre finalement.

jeudi 22 avril 2021

Introduction à la culture des morilles et plan du blog

Voici l'ensemble des articles que vous pourrez consulter sur ce blog : 

I. A brief history of morel cultivation part I
Une compilation des articles anciens tirés de Gallica. Vous y retrouverez la recette originale du Baron d'Yvoire ainsi que les écrits oubliés de Fron, Matruchot, Molliard, Repin, Costantin, etc. L'histoire truculente de Costantinella cristata, forme condienne de la morille, est narrée ici. 

II. A brief history of morel cultivation part II
Une compilation de la littérature scientifique récente avec accès à des documents inédits et scannés par mes soins, dont la thèse de F. Buscot. Attention, cet article est de loin le plus dense en informations.

III. Morel cultivation in China, myths and reality
Déroulé de la méthode chinoise d'après les articles scientifiques et blogs chinois. Tous les secrets de la méthode sont exposés ici avec illustrations et traduction des textes chinois. Un article qui a un succès de dingue sur internet.

IV. Indoor cultivation of morels
La fameuse méthode de culture hors sol dont tout le monde parle sans avoir lu sérieusement le brevet. Ici on fera de la science fiction et de l'étude comparative de textes plus ou moins récents.

V. Miscellaneous internet sources for morel cultivation
Résumé de ce qui se raconte sur les blogs, forums, sites de vendeurs de poudre de perlimpinpin et autres experts du clavier. A prendre avec recul.

VI. Morel cultivation in my backyard part I
Mes premières "expérimentations" qui illustrent à merveille le concept de sérendipité.

VII. Morel cultivation in my backyard part II
Mes premières tentatives d'ingénierie inversée du procédé de culture chinois.

VIII. Morel cultivation in my backyard part III
Suite des expérimentations et avancées de ma compréhension de la croissance du mycélium en terre.

IX. New Technology for High-yield Cultivation of Morels in China by Zhou Douxi
Traduction d'un livre de référence sur la culture des morilles en Chine. L'auteur serait l'inventeur de la méthode chinoise de culture des morilles. Cette traduction est unique.

X. Isolating morel strains for dummies
Un petit tutoriel pour apprendre à isoler du mycélium de morilles dans sa cave ou sa cuisine avec du matériel courant.

XI. Studies on the Molecular Identification, Biological Characteristics and Indoor Cultivation of Morchella spp. by Ge Siyi
Résumé d'une thèse très complète sur la culture des morilles. Cette thèse est en fait un très bon résumé de ce site. Des essais de culture indoor sont décrits ici.

XII. Growing morels with the chinese process for dummies (Morel cultivation in my backyard part IV)
Premières réussites personnelles d'utilisation de la méthode chinoise de culture des morilles et propositions de procédés alternatifs plus simples à appliquer.

Ce site a pour objectif de rassembler et de partager l'ensemble de la littérature scientifique et des informations générales concernant la culture des morilles. Les différents articles ont été écrits dans un ordre qu'il est conseillé de suivre. Ma compréhension du problème difficile de la culture des morilles évoluant au fil de l'écriture et de mes diverses expérimentations et discussions, le lecteur ne sera pas surpris de découvrir non pas des incohérences, mais des priorisations des concepts qui évoluent au fil des articles. Le lecteur pourra remarquer que cette culture ne permettant qu'une campagne par an, son amélioration par itérations successives est particulièrement lente et fastidieuse. Cette lenteur est accentuée par le fait que la plupart des cultivateurs actuels rechignent à partager leurs découvertes ou échanger sur leurs procédés de culture, en Europe comme en Chine, et ce pour diverses raisons, dont au moins une tout à fait respectable à mes yeux : avoir la paix. Certains ont également signé des accords de confidentialité avec des semenciers procéduriers, je comprends tout à fait leurs réserves à communiquer.

Néanmoins, la disponibilité de l'ensemble de la littérature scientifique et du savoir mondial via internet, la motivation des scientifiques chinois à "casser" le problème et la récente "hype" de la culture en France aura probablement enfin raison du problème de la culture des morilles.

Le site contient des liens vers des articles scientifiques dont l'accès est payant et je m'en désole. Divers outils de contournement existent pour les consulter (Scihub et Libgen essentiellement). L'ensemble du site redirige ou propose largement plus de 1000 pages de lecture, prenez donc le temps de le parcourir à votre rythme. Chaque article est accompagné d'un (ou plusieurs) document en .pdf de mon cru qui permet d'approfondir la lecture.

Je précise que je ne suis affilié à aucune entreprise commerciale dans le domaine et que je considère la culture des morilles comme un loisir uniquement. Le site est donc mis à jour plus ou moins régulièrement au gré des évènements et de mon temps libre.

Profitez-en, c'est gratuit et sans bullshit. Bonne lecture !

EDIT novembre 2021: je ne répondrai plus aux emails, passant beaucoup trop de mon temps libre à répondre à des listes de questions longues comme le bras sans même avoir un merci en retour. Veuillez passer par les commentaires associés aux articles pour les questions afin que tout le monde puisse en profiter.

EDIT avril 2024: merci également ne ne pas essayer de me contacter sur mon adresse professionnelle !

La morille est joueuse et aime pousser hors des endroits où elle a été plantée afin de semer le doute sur ses origines... Crédits : Raphaël BOICHOT


lundi 12 avril 2021

XII. La méthode chinoise de culture des morilles pour les nuls

Cet article résume les essais réalisés pendant la saison 2020-2021 sur la méthode chinoise de culture des morilles.

L'avantage d'écrire un blog est que cela génère des contacts. Depuis l'écriture et la parution des premiers articles, près de 15000 connections ont été reportées sur le blog depuis une vingtaine de pays (francophones mais pas que, merci Google translate) et pas mal de gens m'ont contacté, producteurs, amateurs et associatifs. J'ai pris beaucoup de plaisir à échanger avec tous ces passionnés malgré le peu de temps libre dont dispose chacun. Ce blog et les contacts qu'il a généré ont accouché d'un réseau "off" de cultivateurs francophones (il y a plusieurs réseaux en fait, pas tous connexes) qui ont tous la même ambition : cultiver la morille à la cool sans rien devoir à personne. Il se trouve que ça tombe bien : la méthode chinoise de culture des morilles est libre de droits (brevet non applicable). Les souches chinoises sont quant à elles activement en circulation sur le territoire français.

Au cours de mes pérégrinations entre trois confinements j'ai pu récupérer quatre souches de culture, en l'occurrence des probables variations de Morchella importuna, toutes d'origine chinoise. La systématique des morilles étant toujours assez délicate en l'absence d'analyses génétiques, nous en resterons là pour l'identification. Il est par contre intéressant de connaître l'origine de ces souches :

- La souche 1 a été isolée par mes soins au cours de l'été 2020 depuis une morille congelée ayant subit une rupture de la chaîne du froid (c’est important), issue d'une culture en pleine terre. Le mycélium a ensuite été conservé au réfrigérateur, en boîte de pétri, jusqu'à l'automne 2020. Des spores ont probablement été à l'origine du mycélium, je ne vois pas comment des cellules somatiques ont pu résister à des cycles de gel-dégel à -20°C. Cette souche donnera un résultat en culture positif chez moi et chez deux autres collègues amateurs et franchement bon chez au moins un cultivateur. J'ai également récupéré une itération de cette souche ayant passé une année complète au réfrigérateur en boite de pétri : la souche était toujours capable de fructifier.

- La souche 2 est issue d’un lot homogène (même souche d’origine) de morilles séchées cultivées en France. J'ai échoué dans l'isolement de mycélium à partir de spores à cause de contaminations bactériennes récurrentes. Un exemplaire a alors été envoyée en plein été par la poste à un autre cultivateur, plus doué que moi, puis un mycélium a été isolé à partir des spores et retourné sous boîte de pétri à l'automne 2020. Cette souche ne donnera aucun résultat chez moi (enfin si, une morille de 1 cm…) mais des résultats positifs chez au moins deux cultivateurs différents.

- Les souches 3 et 4 sont issues de la réserve personnelle de souches d'un autre cultivateur et m’ont été transmises en pétri à l'automne 2020. Leur origine exacte (reproduction végétative ou spores) et mode de conservation est inconnu. La souche 3 ne donnera aucun résultat chez trois cultivateurs (dont moi), mais un bon résultat chez un quatrième cultivateur. Enfin la souche 4 donnera de très bons résultats chez au moins trois cultivateurs dont moi.

Toutes les souches de morilles de culture que j'ai eu entre les mains sont à phénotype "plat à croissance rapide et à formation de sclérotes précoces et encroûtants" (selon la dénomination de Buscot). Les milieux gélosés PDA (Potato Dextrose Agar) et MEA (Malt Extract Agar) donnent des morphologies globalement similaires à cultures réalisées en dessous de 20°C et dans le noir. 

Je reviendrai sur les causes probables des variations de résultats en culture avec une même espèce, mais différentes souches, à la fin de l'article. Il est en tout cas évident que la saison de fabrication du mycélium mère importe peu tant que celui-ci est conservé dans de bonnes conditions (au réfrigérateur) jusqu’à l’automne. Une production du mycélium au dernier moment (septembre) avec des morilles séchées ou congelées est tout à fait envisageable. Le brassage génétique de la sporulation rajoute simplement un peu de piment à la culture par rapport à une reproduction végétative en frais. Corollaire : il est donc tout à fait possible de se constituer une bibliothèque de morilles séchées avec des souches bien identifiées pour échange avec des collègues ou redémarrer une production après un échec de culture ou un accident de réfrigérateur. Cultivateurs : gardez de la morille séchée bien étiquetée en backup ! Les souches de culture actuelles ont été sélectionnées par des agriculteurs chinois au cours d'un très long processus et ces souches sont précieuses.

Ces quatre souches ont été ensuite amplifiées sur blé stérile en bocaux à partir de fin septembre. Le top départ pour l'amplification est pour moi le moment où la température tombe sous 20°C dans ma cave (et accessoirement la fin de la saison des ceps et des trompettes de la mort, septembre est un mois chargé en général, et je ne parle même pas de la rentrée universitaire). Cette limite à 20°C est basée sur mes observations : J'ai en effet constaté que les sclérotes ne se formaient jamais au dessus de cette température chez moi. Le milieu d'amplification est toujours le même : blé à poules trempé 24 heures, soigneusement égoutté puis stérilisé en bocaux 2 heures à 120°C dans une cocotte minute. Je n'ai rien ajouté au blé. Pour le format des bocaux, j'ai une préférence pour le modèle "Terrine Familia Wiss Le Parfait 1000 g Ø100" dont trois exemplaires rentrent exactement dans une cocotte minute standard (je n'ai hélas pas d'autoclave et pas l’intention d’en acheter) et dont la forme évasée permet un démoulage facile du gâteau de mycélium. Je n’utilise que le couvercle à vis en métal (sans le disque étanche avec le joint), le jeu entre le bocal et le couvercle étant suffisant pour laisser respirer la culture. Information au passage, le blé trempé 24 heures et égoutté double approximativement de masse et de volume par rapport à une même unité de blé sec.

La colonisation en bocal, dans le noir, prend environ 1 à 2 semaines puis les sclérotes se forment. Les bocaux sont prêts en 2 à 3 semaines. Je ne pense pas que le vieillissement du semis en bocal au delà de 3 semaines ait un quelconque intérêt. J'ai même tendance à penser que le blé tout juste colonisé est optimal (voir Stamets).

Note en passant : je ne cultive pas sous serre parce que ça marche très bien sans, comme nous le verrons. Accessoirement j'ai d'autres centres d'intérêts que le code de l'urbanisme. Par contre tout ce que je décrirai comme étant fait avec une bâche noire peut être avantageusement fait avec un filet d'ombrage dense. La bâche m'a en effet causé beaucoup d'ennuis qu'un simple filet n'aurait pas eu (prise au vent, effet de serre et opacité trop forte "en même temps", paradis pour limaces, poches d'eau à la moindre goutte de pluie, etc). Bon, la bâche étanche était une idée à la con, reprenons.

Le semis est effectué dans de la terre fraîchement retournée, un jour nuageux, lorsque le maximum des températures externes passe largement sous 20°C (la fourchette 15-20°C semble optimale, en particulier dans sa partie basse). Dans le Grésivaudan, cette période optimale de semis va de mi-octobre à début novembre. Tout l'enjeu est de réussir à planter le plus tôt possible après les épisodes de foehn locaux pendant lesquels la température remonte subitement à plus de 25°C, ruinant potentiellement la culture. J’aurais tendance à énoncer une règle simple : jamais avant la Toussaint. C’est valable au moins dans le Grésivaudan où l’arrière saison est généralement longue et tempérée.

J'ai utilisé une motobineuse électrique pour retourner le sol mais je pense que c'était une mauvaise idée : la terre très fine obtenue s'est rapidement compactée, même sans arrosage. Mon sol est de type limoneux, issu de la dégradation de moraines glacières. Un travail de la terre à grosses mottes aurait été préférable. Le mycélium a ensuite été finement émietté puis semé à la volée sur la terre. J'ai semé à raison de 500 g/m², ce qui est un dosage de gros bourrin (200 voire 100 g/m² seraient très largement suffisants d’après les cultivateurs chinois, mais bon, quand le semis ne coûte rien on ne sait plus où le mettre, problème de riche…). Les grains de blé ont été recouverts de 2-3 cm de terre afin qu'ils ne soient plus visibles depuis la surface. J'ai finement arrosé, sans excès, puis couvert la récolte pendant deux semaines à l'aide d'une bâche noire étanche recouverte transitoirement d'une bâche athermique blanche (cette dernière a été virée au bout de deux semaines à peu près, trop lourde). Je pense qu'un simple filet d'ombrage noir aurait suffit comme déjà évoqué mais j'ai pris ce dont je disposais (oui, on est très low-tech dans le Grésivaudan). De fait ça ne respirait pas beaucoup sous la bâche et le blanchiment a été modeste même si la colonisation de la terre par le mycélium était bien visible en surface. Bien sûr, pendant la colonisation, cette saloperie de foehn grenoblois a fait monter la température ambiante à 27°C pendant deux jours, sûrement plus sous la bâche noire en plein soleil...

Vers la Toussaint, au démarrage du deuxième confinement, j'ai alors eu tout loisir de faire cuire des ENB (Exogenous Nutrition Bags) et de les poser progressivement sur la culture. J'ai utilisé des sachets de cuissons (style sachet pour cuire des poulets au four) remplis d'à peu près 1 kg de blé humide, stérilisés 2 heures à 120°C dans une cocotte minute comme les bocaux de semis. Les sacs ont alors été lardés de coups de scalpel stérile sur un côté (ouais, une vraie scène de crime) puis appliqués contre le sol (2 sacs pour 1 m²). Rétrospectivement, l'aspect "plat" des ENB a été contre productif : le mauvais contact contre la terre a beaucoup retardé la colonisation des sacs. Des ENB plus cylindriques auraient été préférables. Bref, après une petite inondation pour la forme, la bâche a été replacée jusque début décembre. J'ai trouvé à titre personnel que la préparation des ENB à la cocotte minute était une étape plutôt répétitive et pénible, et je n'ai traité que 10 m² de sol... Je trouve que le passage à un vrai autoclave n’est pas superflu au delà de 10 m² de surface de culture. On en trouve d’excellents sur Aliexpress par exemple.

Début décembre, j'ai décidé de remonter la bâche de 20-30 cm pour laisser un peu respirer la culture, à l'aide d'une structure légère en traverses de bois. Cet apport d'air a tout de suite augmenté le blanchiment des parcelles et accéléré le blanchiment des ENB. Cette espacement aurait en fait pu et du être mis en place dès le début de la culture. Avais-je bien prévenu que c'était un tutorial pour les nuls ? Ah oui.

Mes observations personnelles concernant le blanchiment du sol convergent vers ces conclusions : la forme Costantinella cristata, ou forme conidienne de la morille, est favorisée par des températures basses mais hors gel (0°C<T<10°C), une luminosité faible, une aération importante couplée à une humidité forte mais sans lessivage (ce qui n'est pas particulièrement courant comme situation), un substrat non saturé et finalement un mycélium en pleine croissance. Tout ceci indépendamment des phénotypes plus ou moins "blanchissants" des différentes souches. Autant dire que cette forme n'apparaît que transitoirement (typiquement entre mi-novembre et fin décembre, uniquement sous abris).

Entre décembre et fin janvier, la culture a gentiment traversé l'hiver sans arrosage. Mi-janvier, j'ai redirigé ma gouttière de toit vers les canaux d'arrosage afin que la culture soit inondée à chaque pluie. J'ai également arrosé par aspersion et débâché les nuits pluvieuses ou neigeuses à partir de début février. La terre est donc restée plus ou moins saturée d'eau tout le mois de février.

Début mars j'ai retiré les ENB (direction compost) qui commençaient à être farcis de thrips et de moisissures. J'ai également traité contre nos amis les limaces avec des trucs pas bios du tout (oui je sais la chimie c'est le mal). Le retrait des ENB semble avoir immédiatement déclenché le démarrage de la fructification. La fructification est un phénomène qui m'a plutôt surpris par sa lenteur : entre les premiers primordia et leur récolte, près d'un mois s'est écoulé. On note simplement une accélération de la croissance des ascocarpes la dernière semaine. Les morilles poussant dans l'herbe autour des planches de culture ont semblé apparaître d'un coup pour cette raisons : les ascocarpes restent longtemps à une taille de 1-2 cm (cachés, mais bien là, pendant probablement 2-3 semaines) puis grandissent assez rapidement ensuite. Lors de la croissance des ascocarpes, j'ai ponctuellement inondé les canaux d'irrigation pour que la terre reste toujours humide en surface (une à deux fois par semaine). Une petite brumisation au jet sous la bâche a également parfois été nécessaire.

Sur les quatre souches, seules les souches 1 et 4 ont donné lieu à des fructifications (une morille ridiculement microscopique a poussé sur la planche de la souche 2, ça compte pas). Les souches 2 et 4 ont bien blanchi la terre, les souches 1 et 3 pas du tout. Je ne constate donc aucune corrélation entre blanchiment de la terre (formation de Costantinella cristata) et capacité des souches à fructifier. Les ENB des souches 2 et 3 n'avaient en revanche que des ponts mycéliens anémiques avec le sol. Je mets donc sur le compte de la mauvaise pose des ENB ces échecs. Enfin si la souche 4 a fructifié principalement sous la bâche, la souche 1 n'a fructifié que dans la pelouse autour des planches, ce que j'attribue à des conditions sous bâche qui n'ont pas convenu du tout à cette souche. Il apparaît donc que quatre souches prétendument de la même espèce ont des comportements en culture finalement assez différents sur une même place, ou en tout cas une réponse différente à des pratiques culturales assez homogènes.

Pourquoi une telle variation de résultat entre souches proches ?

- Je suppose tout d'abord que le besoin en lumière est assez différent entre les différents variants en culture de M. importuna. L'utilisation dans mon cas d'une bâche noire très opaque a par exemple forcé la souche 1 à fructifier hors de la zone de culture, alors que la souche 4, pourtant située dans une zone plus ombragée s'en est parfaitement accommodée. Un effet thermique local est également possible, la bâche sur la souche 1 étant la plus exposée au soleil.

- Je suppose également que la fructification est très sensible aux variations locales des populations bactériennes, y compris à des échelles de l'ordre du mètre. La raison qui m'amène à penser ça est que j'ai réalisé exactement le même protocole dans du compost pur avec la souche 1. Le blanchiment a été exceptionnel (cette souche blanchit peu voire pas en terre) mais aucune fructification, même avortée, n'a été détectée. De plus, j'ai tenté des essais indoor avec de la vraie terre stérilisée et clairement il manquait quelque chose pour obtenir une fructification (toujours avec la souche 1). Le mycélium semble avoir obligatoirement besoin de vraie terre, avec la faune bactérienne associée, pour fructifier, quelle qu'en soit la raison, signal chimique ou "farming" actif des bactéries. Cela n'est à mon avis pas étranger au flou artistique du brevet américain de 1986 concernant ce point, la non-stérilité du substrat de fructification étant à mon avis clef dans la réussite de la méthode. Une publication récente de Mills semble confirmer ce fait, de même que l'excellente thèse de Ge Siyi.

- La pose des ENB est une étape dont la technicité m'a initialement échappé. Il apparaît que si le fond percé des ENB n'est pas en contact très étroit avec la terre, le mycélium n'est pas toujours capable de réaliser un pont mycélien pour rapatrier le carbone des ENB dans le sol. L'utilisation d'ENB cylindriques, très bien enfoncés dans le sol, semble donc préférable. J'associe l'échec avec les souches 2 et 3 entre autres à cet aspect. Les ENB avec ces souches ont été certes colonisés, mais tardivement. Ils étaient également pleins de sclérotes, ce qui n'est pas le résultat attendu : les sclérotes doivent être sous terre. Tout ceci marque une mauvaise communication entre les ENB et le sol. Il est également probable que semer trop de blé inoculé enrichit trop le sol localement pour que le mycélium identifie rapidement des zones optimales de formation des sclérotes.

Un dernier mot sur la production et la conservation de mycélium de morilles. Après la récolte, il est possible de perpétuer ses souches par repiquage végétatif ou par repiquage de spores issues de morilles fraîches ou séchées. Le repiquage végétatif consiste à prendre un fragment de pied (l’interface terre-pieds est pour moi le meilleur morceau), terre comprise, puis de le placer sur une gélose nutritive. Le taux de reprise est faible, de l’ordre de 25 à 50%, mais garanti le pedigree de la souche. La reprise de bouts de chapeaux (secs ou frais)  assure un taux de reprise de près de 75% mais le mycélium obtenu n’a plus forcément le même patrimoine génétique que l’ascocarpe « parent ». Le résultat en culture peut être meilleur, identique ou moins bon. Mon impression est cependant qu’avec les morilles de culture domestiquées par les cultivateurs chinois, la méthode de clonage importe peu. Il est probable que la domestication par clonages successifs ait appauvri le patrimoine génétique des souches au point que les spores ne soient génétiquement que des clones des ascocarpes dont elles sont issues. De fait, mes propres observations montrent que le mycélium issu de morceaux de chapeau de morilles de culture est toujours à phénotype "plat" et ne présente pas de sectorisation. Ceci va dans le sens de spores monoclonales. Les morilles de culture pourraient donc être une population particulière apte à fructifier sans étape d'accouplement (mating) proprement dite. A l'inverse, les morilles sauvages présentent un mycélium fortement sectorisé et avec une grande diversité de phénotypes plus ou moins cotonneux à l'issue de la culture de spores. 

Concernant les géloses nutritives, j’utilise désormais le simple milieu MEA fabriqué avec 20 g/L d’agar, 20 g/L de sirop d’extrait de malt, 1g/L de CaCO3 et 1000 mL d’eau. Prêt en 10 minutes, je le coule soit en pétris, soit en petits bocaux inclinés (type pots pour bébés ou pots de sauces à fondues bourguignonne), avant stérilisation. Les pétris sont pratiques pour l’isolement et la purification des souches, les pots inclinés sont pratiques pour la conservation long terme au réfrigérateur. Les pétris au réfrigérateur ont en effet la fâcheuse tendance de se couvrir de condensation sous le couvercle, condensation qui coule aléatoirement sur la gélose presque sèche (oui, la flotte vient bien de quelque part), compromettant rapidement la stérilité du milieu. Les pots au contraire restent secs sur les parois et la gélose sèche plus doucement. Sinon, stocker les boîtes de pétri à l'envers permet aussi d'éviter pas mal de ces désagréments.

Pourquoi une réussite cette année et un échec complet l'année dernière (à météo abominable équivalente). Plusieurs raisons d'après moi :

- La morille est un champignon gourmand qui n'utilise la cellulose que pour vivoter. Le blé et autres graines (maïs, seigle, avoine, etc.), et plus généralement l'amidon et les sucres simples sont nécessaires pour fournir l'énergie importante permettant la formation des sclérotes puis la fructification. L'année dernière je n'ai utilisé que de la cellulose comme apport carboné (slurry ou piles de boîtes d’œuf pour rappel), le mycélium est gentiment resté en mode survie.  Si certains cartons (ceux contrecollés à l'amidon) et les pommes fonctionnent (voir le roman photo joint), le blé entier reste l’aliment de choix. A masse équivalente, le blé cuit est par exemple trois fois plus nutritif que les pommes (en contenu énergétique). Des ENB enrichis en huile à 5% comme recommandé par Stamets pourraient peut-être même augmenter encore les rendements de fructifications. Mes essais sur ce point ne sont pas concluants (huile répandue directement sur la terre, résultat nul). A ce titre, la méthode de radin qui consisterait à recycler des drêches de brasserie (presque épuisées en amidon et sucres) pour remplir les ENB, serait hélas vouée à entraîner des rendements probablement minables.

- Les primordia d'ascocarpes ne peuvent se former qu'en conditions sombres et humides (dans une pelouse, sous un couvert artificiel dense, un paillage, etc.) et jamais sur une terre nue directement ensoleillée. Une fois bien formés, les ascocarpes ont en revanche une certaine tolérance à la sécheresse et à la lumière, voire une attirance pour les sources lumineuses.

- L'inondation régulière pendant plusieurs semaines en février est primordiale. Il n'y a jamais trop d'eau à cette époque. Dans la nature et en particulier dans le Grésivaudan, février et mars peuvent être des mois partiellement ou totalement secs. Une humidification forcée massive est donc impérative à cette période.

- Les cultivateurs chinois semblent avoir obtenu par essais-erreurs des souches peu sensibles à la sénescence et plutôt tolérantes en termes de conditions de culture et de repiquage. J'ai trouvé le travail avec les souches de culture chinoises beaucoup plus simple et reproductible qu'avec des souches sauvages françaises. Il reste donc un travail passionnant à faire sur la sélection des souches françaises et/ou leur croisement avec des souches chinoises pour améliorer leur productivité ou stabiliser et homogénéiser leur phénotype dans le temps. Un travail où l'INRAE pourrait exceller et devenir fournisseur de souches certifiées, à l'instar de ses travaux sur la truffe. Quoi qu'il en soit, ces souches chinoises sont maintenant largement échangées dans le réseau des cultivateurs français et facilement disponibles : achetez des morilles de culture pour les manger et les cloner, vous ferez des agriculteurs heureux et des expériences passionnantes dans votre jardin !

- Le semis doit être fait ni trop tôt, ni trop tard. Semer tôt permet de laisser au semis le temps de s'installer (et de coloniser efficacement les ENB) mais l'expose à des pics de température et à ses concurrents (Dactylium et autres Rhizopus). Semer tard permet de s'affranchir des contaminants et des excursions en température mais entraîne une croissance plus lente du mycélium. La France étant exposée à une certaine variété de climats et d'altitudes, il n'y a pas de règle absolue énonçable quant à la date de semis. Seule règle stricte : jamais de semis au dessus de 20°C en automne (température maximale de l'air). Garder une marge de sécurité de quelques °C en dessous me paraît utile en cas d'aléas climatiques (foehn en Rhône-Alpes par exemple). On peut avantageusement suivre les températures maximales moyennes locales pour faire des prévisions de dates de semis. Une température maximale moyenne de 15°C pour le semis me paraît être un bon compromis (ceci correspond à fin octobre, début novembre chez moi).

- Dernier point et pas des moindres. L’année dernière j’ai semé très localement le mycélium (en spots ou en tranchées). Cette année j’ai également fait des essais de semis « one shot » où j’ai directement posé des ENB partiellement colonisés contre le sol. In-vitro le mycélium est en effet tout à fait capable de localiser ses sclérotes dans la terre dans ces conditions. Ces essais n’ont mené qu'à un ascocarpe tardif avec la souche 1 qui a plutôt bien fonctionné par ailleurs. Ceci m’amène à penser que la réussite de la fructification est également liée au volume de terre colonisé, renforçant l’idée que l’inoculation du mycélium de morille sur de grandes surfaces (quel que soit le vecteur, solide ou liquide) avant la pose des ENB ou d’un équivalent est un paramètre clef de la culture. Le mycélium doit donc collecter quelque chose (bactéries, nutriments) qui n’est pas naturellement présent en grandes quantités dans le sol et qui ne supporte pas la stérilisation. La découverte de ce "quelque chose" pourrait totalement changer la donne dans la culture de la morille. Deux remarques complémentaires en rapport avec ce paragraphe : j'ai essayé le compost ménager mûr comme support de culture ou comme source de nourriture : ça ne fonctionne pas (échecs plusieurs années de suite). Il n'a plus rien a bouffer dedans et probablement pas le "quelque chose" supportant la fructification. J'ai également essayé le semis de spores en automne plusieurs années de suite : ça ne fonctionne pas non plus. Le volume de terre colonisé est trop faible ou les spores ne germent pas.

Alors, rentable ou non la culture des morilles ?

Du point de vue énergétique, la culture a coûté l'équivalent de 10 minutes de voiture par kg de morille, le CO2 en moins (l'électricité est presque totalement décarbonée en France). Bon point pour l'environnement donc. Du point de vue financier, la culture ne m'a rien coûté d'autre que l'énergie de la stérilisation et du blé (plus quelques consommables mineurs, agar, extrait de malt, etc.), soit à peu près rien. Un calcul rapide montre qu'on peut produire du semis chez soi à moins d'un euro du kg. Les bocaux, seul investissement notable, sont quant à eux réutilisés d'une année sur l'autre. Du point de vue de mon temps, tout dépend de la manière dont je le compte. Une activité tertiaire salariée absorbant la même quantité de temps aurait été beaucoup plus lucrative et moins fatigante (c’est bien tout le malheur d'un monde tertiarisé où l'énergie est surabondante). Mais je ne cultive pas dans un but commercial. C'est donc une activité de loisir qui m'a fait croiser des gens remarquables et qui occupe sainement l'esprit. Donc positif sur le plan humain et environnemental, pas vraiment sur le plan financier (en tout cas me concernant), mais ce n’était pas le but. Disons que c'est un loisir prenant et pas particulièrement dispendieux.

Pour le roman photo c’est par ici : la méthode chinoise de culture des morilles pour les nuls.

Je répondrai volontiers à toute question concernant ce que j’aurais pu omettre, dans les commentaires ou par mail. 

Une partie de la récolte 2021 (souche 4) : ça commence à devenir sérieux !
Crédit : Raphaël BOICHOT

Prochain article : soit une étude de brevet, soit la traduction d'un autre livre chinois sur la culture des morilles, ou peut-être du indoor, on verra.

Edit 2024 : en 2022, avec la même méthode et les mêmes souches, j'ai eu une pousse anecdotique (1 morille infestée de moisissures) sur le même emplacement. Depuis 2023 je ne fait plus de tentative de culture avec cette méthode car le résultat est trop aléatoire par rapport au temps investi.



samedi 20 juin 2020

XI. Identification génétique, caractéristiques biologiques et culture hors sol de morilles

Cet article résume une thèse récente de l'Université d'État de Pennsylvanie (Penn State) sur la culture des morilles.

Je propose ici le résumé de la thèse de doctorat de Ge Siyi soutenue en 2019 à l'Université d'État de Pennsylvanie et publiée en 2020 intitulée : "Studies on the molecular identification, biological characteristics and indoor cultivation of Morchella spp.". Cette thèse se compose de cinq chapitres et est écrite dans un style impeccable, rendant la lecture particulièrement facile. Ce résumé sera très détaillé concernant le premier chapitre, très riche, moins sur les chapitres suivants qui présentent un intérêt moins marqué selon moi, y compris (et paradoxalement) celui sur la culture hors sol, pour des raisons qui seront détaillées. Je recommande donc également la lecture du document complet (lien en bas de page).

La thèse est globalement remarquablement bien écrite et reprend tout l'état de l'art sur les morilles et leur culture de 1882 jusqu'à 2020 (brevets compris). N'importe quel rat de bibliothèque serait satisfait de ce travail. Je ne reprendrai pas tout ce qui a été dit, mais essayerai d'extraire des données nouvelles ou confirmant des points de vue donnés sur ce blog. L'auteur a l'avantage non seulement d'avoir fait un séjour en Chine au contact de cultivateurs de morilles, mais en plus d'avoir épluché la bibliographie en mandarin, difficilement accessible online, sur la culture des morilles. Certaines informations publiées dans cette thèse sont donc tout à faite inédites en occident.

L'auteur rappelle que seuls trois clades de morilles sont maintenant admis (sur des bases génétiques) : Le clade esculenta (morilles blondes), le clade elata (morilles brunes) et le clade rufobrunnea (morille californienne ou rougissante). Le morillon (Mitrophora semilibera) est maintenant devenu une simple morille brune (Morchella semilibera, clade elata). La classification consiste maintenant à nommer les "espèces" par un numéro : Mel-XX (XX compris entre 1 et 27 pour l'instant) pour les "espèces" du clade elata et Mes-XX (XX compris entre 1 et 36 pour l'instant) pour les "espèces" du clade esculenta. Le clade rufobrunnea ne contient qu'une seule "espèce", nommée Mru (ou deux, suivants les auteurs). Quelques noms historiques de la nomenclature ont pu être associés à ces numéros d'espèces. On notera que le concept d'espèce est ici mal adapté étant donné que l'absence d'hybridation entre ces "espèces" n'est pas prouvée. On pourrait parler de populations à la place. Une distance génétique suffisante étant requise pour déclarer l'existence d'une nouvelle population. L'auteur rappelle à ce sujet que la plupart des 334 espèces citées dans la littérature sont donc simplement des synonymes, alors que certaines populations ne sont pas nommées. L'auteur estime que même les banques de données de séquences génétiques ont probablement un taux d'erreur important, estimé à 66%... L'espèce Mel-7 (Morchella eximia) présente la particularité intéressante d'être présente sur tous les continents. Inversement, Morchella esculenta (qui contient en fait plusieurs espèces du clade esculenta), bien que décrite abondamment aux USA depuis plus de 100 ans, est en fait probablement absente des Amériques... Conclusion : hormis les clades (et encore...), seule l'analyse génétique permet de différencier des populations entre elles. La nomenclature actuelle contient plus de 80% de noms d'espèces non valides, et il en rentre encore tous les ans ! La description de nouvelles espèces sur des critères morphologiques est désormais quasi-systématiquement rejetée par les analyses génétiques et inversement, de nouvelles espèces sont découvertes fortuitement lors d'analyses ADN de routine et non nommées autrement que par un numéro de classement dans l'arbre phylogénétique (en particulier lors de découvertes en Chine où l'on se fiche de passer à la postérité via des noms latins, autre culture). De fait, la description de nouvelles espèces de morilles basée uniquement sur des critères morphologiques, selon la méthode linnéenne (dite "classique" mais surtout obsolète !), n'a plus aucun sens depuis les années 2000 et fait perdre du temps à toute la communauté scientifique qui doit se fendre d'analyses ADN et d'articles pour réfuter dans la foulée ces fausses nouvelles espèces !

L'auteur propose à ce sujet une analyse ADN de toutes les cultures conservées dans la base de données du laboratoire de mycologie de Penn State et conclut que la plupart des cultures de cette base sont mal identifiées, y compris même jusqu'au niveau du clade ! Cette base contient néanmoins une espèce importante : WC 833 (Morchella rufobrunnea), identifiée initialement comme une Morchella esculenta (erreur remontant à Ower !), qui est issue de la lignée de morilles cultivées par Mills et prélevée à Terry Farms en 1998. Cette base contient des échantillons de cultures conservés dans l'azote liquide, dont le plus ancien a été collecté en 1905 (à mon avis pas conservé dans l'azote liquide tout ce temps, mais plutôt dans un herbier, enfin bon)... Et qui seront remis en culture avec succès. L'auteur ne montre pas une curiosité débordante pour cette information qui est selon moi fondamentale, nous n'en sauront donc pas plus sur la cryoconservation ou la conservation tout court des cultures de morilles.

L'auteur rappelle ensuite que les espèces M. rufobrunnea, M. importuna, M. sextelata, and M. eximia sont saprophytes certaines puisque utilisées en culture, alors qu'il existe un certain flou sur les autres populations qui ont pu être décrites comme saprophytes, mycorrhiziennes, ou parasites. De même, le statut monocaryotique ou dicaryotique du mycélium menant aux fructifications n'est jamais clairement établi. Enfin la dénomination de sclérotes est réfutée par l'auteur qui propose de parler de pseudo-sclérotes (ce qui est tout à fait justifié), étant donnée l'absence de différentiation des tissus à l'intérieur de ceux-ci. Je continuerai personnellement à utiliser le terme sclérote par commodité et cohérence avec le reste du blog et avec la bibliographie mondiale.

Le milieu de culture le plus cité est le milieu MEA (Malt Extract Agar). Ce milieu de culture donne la croissance la plus rapide et la plus forte probabilité de formation de sclérotes chez tous les isolats. Il est rappelé que si la morille peut utiliser un large panel de sources azotées et carbonées pour sa nutrition, la lignine, l'hémicellulose et la pectine ne sont pas des sources de carbone faciles à assimiler pour toutes les espèces. Un effet du ratio C/N sur la culture du mycélium de morilles n'a jamais été prouvé de manière convaincante.

L'auteur aborde maintenant le procédé de culture en Chine tel qu'il lui a été décrit directement par des cultivateurs de morilles (informations non publiées donc) et non par l'inénarrable Mr. Zhu qui est évoqué à titre anecdotique. Son douteux livre n'a même pas le droit à une entrée dans la bibliographie de la thèse. Ses brevets bidonnés sont tout de même cités, mais sans faire mention de leur statut juridique bancal.

Les cultivateurs chinois considèrent que le mycélium meurt à 34°C et qu'une période d'hivernage d'au moins un mois sous 4°C est nécessaire pour obtenir un bon rendement de culture. Les primordiums doivent subir un différentiel de température de 10°C entre le jour et la nuit pour se former. Les cultivateurs chinois reportent la culture de Morchella esculenta. De mon point de vue, ce n'est qu'une erreur d'identification de plus, probablement propagée par Zhu Douxi (aucune analyse génétique publiée dans la littérature ne prouve que le clade esculenta soit cultivé en Chine en 2020). L'humidité des ENB (sacs nutritifs ou Exogenous Nutrition Bags doit être comprise entre 60 et 65%). L'humidité du sol doit être de 18 à 28 % pendant le semis, de 15 à 25 % pendant la colonisation du sol (65 à 80 % dans l'air), puis de 20 à 28 % pendant la formation des ascocarpes (85 à 95% dans l'air). Les valeurs d'humidité du sol sont donc très différentes des valeurs reportées par Zhu Douxi dans son livre (autour de 65%), mais cohérentes avec la littérature scientifique. j'aurais tendance à mettre en cause les valeurs annoncées par Zhu Douxi étant donné les nombreuses approximations de son livre, à moins que ce paramètre ne soit finalement pas si important. Le pH du sol quant à lui doit être dans la fourchette 6.4 - 8.7. Le chaulage ou l'ajout de cendres est utilisé pour corriger le pH. Le mycélium n'est pas sensible au CO2, tandis que les ascocarpes ont une croissance optimale entre 400 et 600 ppm de CO2.

Les premières réussites de culture des morilles en Chine datent de 1983 (Zhu Douxi a donc menti au sujet même de ses propres compatriotes, pas très fair play le bonhomme...) et ont été progressivement améliorées jusqu'au développement de la culture commerciale actuelle. Une des méthodes historiques consistait à alterner des rondins de peuplier et de l'inoculum sous la forme de pyramides recouvertes de terre. Cette méthode a été abandonnée à cause de la très importante consommation de bois (par rapport au faibles rendements obtenus). La culture en Chine est parfois réalisée en plain air, en même temps que du blé. Cette co-culture peut potentiellement donner des rendements de 10 à 30 % supérieurs à la culture sous serre. L'auteur souligne que la vraie rupture technologique dans la culture des morilles s'est faite lorsque les ENB, issu du brevet Ower, ont été utilisés. L'auteur rappelle que les ENB sont certes décrits initialement dans le brevet Ower, mais pas comme un point crucial du procédé (c'est vrai). Ce sont les chinois qui ont montré l'effet déterminant de leur usage en pleine terre (et je suis parfaitement d'accord sur ce point). Oui, j'irai bientôt toucher mon chèque à l'ambassade de Chine.

La qualité de l'inoculum (semis) affecte énormément le rendement de la culture. La culture mère peut être obtenue par culture de spores, de tissu frais ou de morceaux d'hyménium frais. La culture de spores est recommandée pour obtenir de nouveau variants tandis que le bouturage d'ascocarpes frais est utilisé pour régénérer une espèce particulière au phénotype intéressant. Les milieux utilisés pour la culture mère sont les milieux PDA, PDA avec humus et CYM (Complete Yeast Medium). Aucun standard de qualité n'existe pour l’inoculum, la sélection des souches est donc dépendante de l'expérience des agriculteurs. La formation de sclérotes in vitro est par exemple un critère de sélection.

La thèse aborde ensuite le procédé de culture chinois. Avant le labour, les débris de culture et les herbes sont retirés. Un chaulage peut être effectué avec Ca(OH)2 (chaux vive) ou CaCO3 (carbonate de calcium) à raison de 250 à 370 kg/hectare ou avec de la cendre végétale (1000 à 1240 kg/hectare) afin d'ajuster le pH du sol entre 6.4 et 8.7. Ce chaulage n'est pas obligatoire si le pH est déjà dans une gamme acceptable. Le labour est ensuite fait par bandes de 0.8 à 1.5 mètres de large, dans lesquelles on aménage des sillons de 20 à 30 cm de large et 20 à 25 cm de profondeur.

Dans le Sichuan et le Shaanxi, le semis est effectué pendant les 10 premiers jours de novembre, voire jusque fin novembre (ces régions sont à la même latitude que la Tunisie ou la Californie, pour situer), typiquement quand les températures maximales de l'air ne passent plus au dessus de 20°C. Suivant les particularités météorologiques locales (altitude, micro-climats), le semis peut être réalisé plus tôt. En général, le semis est effectué à raison de 500 à 1000 kg/hectare (50-100 g/m²). Deux méthodes principales de semis sont rencontrées : soit le semis est étalé uniformément directement sur le sol puis recouvert d'une fine couche de terre, ce qui est plutôt rapide car réalisé mécaniquement, soit le semis est placé manuellement au centre des tranchées uniquement, ce qui lui permet de pousser d'une zone riche en nutriments vers une zone pauvre en nutriments, ce qui est favorable à la formation de sclérotes (ou pseudo-sclérotes). 

Un paillage plastique peut être utilisé en supplément ou en remplacement des filets d'ombrage. Un paillage du sol par film plastique noir (type agricole) est couramment utilisé en Chine. Le film est choisi 10 à 20 cm moins large que le lit de culture et appliqué dès le semis, fixé par des pierres ou de la terre tous les 50 cm. Le film peut être percé pour faciliter la circulation de l'air en dessous. La reprise du mycélium est visible dans les 24 heures après le semis. Les ENB (Exogenous Nutrient Bags) sont placés sur le sol 7 à 10 jours après le semis, directement sous le film plastique, qui est ensuite remis en place. Le film plastique est ensuite retiré au choix soit 20 à 25 jours après le placement des ENB, soit 10 à 20 jours avant la récolte, suivant l'expérience de différents cultivateurs. Le film plastique au sol permet de garder l'humidité tout en évitant la saturation du sol par les pluies qui sont dirigées entre les bandes de culture, même en cas de pluies prolongées qui peuvent endommager les cultures. Le film protège également de l'ensoleillement et le l'envahissement par les herbes qui sont vecteurs de contaminants. Le film plastique permet enfin d'améliorer le budget thermique pendant les périodes les plus froides. Un autre avantage du paillage plastique est qu'il limite un peu la présence de la forme conidienne, même si son intérêt dans le cycle de vie de la morille n'est pas clairement établi. Il est considéré par les cultivateurs chinois que la forme conidienne entre en compétition avec la fructification. Le paillage plastique permet aussi de réduite le coût de la culture en abaissant la quantité de semis à 250-300 kg/hectare (25-30 g/m²) sans baisse de rendement par rapport à une culture sous serre.

L'application d'ENB est l'étape essentielle qui a entraîné l'augmentation soudaine du rendement de culture en Chine. Ces ENB sont éventrés puis posés sur le sol 7 à 20 jours après le semis. Il est suggéré d'utiliser autour de 5000 sacs par hectare (masse non précisée, mais la citation d'origine indique autour de 2 kg/m², soit 20 tonnes/hectare sous la forme d'un sac de 4 kg pour 2 m²). Le mycélium va coloniser les sacs et les nutriments vont être rapatriés vers le sol. Les ENB sont enlevés idéalement 20 jours avant la fructification (soit en même temps que le paillage plastique dans certaines recettes de culture). La composition des ENB importe peu, de nombreuses compositions sont disponibles dans les brevets chinois.

En plus de l'addition puis du retrait des ENB, l'autre étape permettant d'induire la fructification est une irrigation intensive à la sortie de l'hivernage. Cette irrigation est effectuée au retrait des ENB, de 1 à 3 fois consécutives. Cette irrigation peut aller jusqu'à une submersion des bandes de culture. Cette méthode d'immersion est connue depuis longtemps et identique à la culture des autres champignons saprophytes (comme les lentins par exemple).

Les primordiums de morille sont extrêmement fragiles et sont rapidement détruits en cas de gel. Une méthode pour minimiser les dégâts du gel est d'ajouter de la paille ou de nouveau un paillage plastique pour maintenir le sol chaud. Lorsque les amorces d'ascocarpes se forment, l'humidité de l'air doit être maintenue à 85-95 % et l'humidité du sol entre 28 et 35%. Quand les ascocarpes font entre 1.5 et 3 cm, l'humidité de l'air doit être maintenue et l'humidité du sol abaissée à 18-25%. En phase finale de croissance (maturation), la température doit être maintenue entre 12 et 16°C, l'humidité du sol entre 20 et 25% et l'humidité de l'air entre 70 et 85%.

Un des problème majeur de la culture des morilles en Chine est le vieillissement de l'inoculum. Un mycélium vieillissant comporte des hyphes grêles, à croissance lente, non compétitifs par rapport aux contaminants, et induisant une sortie tardive des ascocarpes. Dans le cas particulier de Morchella elata, la sénescence (au stade final) est caractérisée par une croissance lente, une pigmentation prématurée puis une mort des extrémités des hyphes. L'auteur remarque elle-même que le repiquage de ses souches lors de cultures successives induit une diminution de leur vigueur.

La culture en continu sur un même terrain montre qu'au bout de 2 à 3 ans, le rendement de culture diminue en Chine, obligeant la culture à être nomade. Cette particularité rend la culture en Chine rapidement prohibitive, en particulier à cause du déplacement des structures d'ombrage associées à la recherche de nouveaux terrains. Les nutriments épuisés par la morille n'ont pas encore été déterminés. De même il a été proposé que la morille naissait de pseudo-sclérotes issu de mycélium mono ou dicaryotique mais aucune preuve ne permet d'affirmer le statut sexuel du mycélium à l'heure actuelle.

L'auteur s'attaque ensuite à la mise en culture in vitro de 4 espèces spécifiques : Morchella importuna, clade elata, récoltée en Chine en 2017 chez un cultivateur de morilles, Morchella rufobrunnea, clade rufobrunnea, collectée à Terry Farms en 1998 (souche de Gary Mills), numéro nomenclature WC 833, Morchella americana, clade esculenta, collectée aux US en 1905, numéro nomenclature WC 374 et enfin Morchella exuberans clade elata, collectée aux US en 1993, numéro nomenclature WC 766. C'est la première fois à ma connaissance que des cultures en conditions identiques confrontent les clades esculenta et elata. La mise en culture est réalisée en décongelant les cultures conservées dans l'azote liquide sur gélose PDYA. 

Je résume les conclusions : M. exuberans et M. americana n'ont jamais formé de sclérotes dans les conditions testées. Une exposition lumineuse de 2000 lux arrête la croissance du mycélium sauf pour M. exuberans. M. rufobrunnea présente une croissance du mycélium et une formation de sclérotes optimales dans l'obscurité totale. M. importuna peut croître et former des sclérotes jusqu'à 400 lux au moins. Excepté M. exuberans qui peut croître à 30°C, les autres espèces ont une croissance optimale entre 20 et 25°C. Les 4 espèces testées ont une croissance optimale sur un milieu de culture neutre à faiblement acide (pH 6 à 7).

La lumière forte (2000 lux) doit donc plutôt être évitée pendant la culture des morilles. Il a toutefois été noté qu'une lumière diffuse (200 à 1100 lux) amorçait la formation des primordiums d'après les cultivateurs chinois. Le mécanisme est inconnu. Dans une perspective de culture indoor, l’obscurité totale est suggérée pendant les phases de colonisation et de formation des sclérotes, puis un certain éclairage (200 à 1000 lux) peut être apporté pour initier la phase sexuée du cycle.

La dernière partie de la thèse aborde des essais de culture indoor des 4 espèces précédemment citées, sur la base des essais in vitro réalisés. Si les parties bibliographie, analyse génétique, culture in-vitro ont été menées avec brio, on sent sur cette dernière partie un rush de fin de thèse manifeste et une certaine improvisation. La thèse était de fait très (trop ?) ambitieuse.

Deux grandes campagnes de culture ont été menées : une campagne de culture avec Morchella rufobrunnea à température constante (17-20°C) en testant différents substrats (terre additionné de paille, de sciure de bois, de tourbe ou de compost de culture de champignons) et différentes compositions d'ENB (sciure et blé ou sciure et maïs), et une autre campagne de culture à température également constante (17-20°C) avec les 4 souches étudiées in vitro, mais cette fois des ENB fixes (sciure et blé). Les ENB ont été autoclavés 35 minutes à 120°C, ce qui pour moi est totalement insuffisant pour un milieu solide. L'inoculum a été amplifié sur seigle (additionné de carbonate de calcium CaCO3 et de gypse CaSO2) en deux étapes (temps de culture total sur seigle : 35 jours).

Lors de l'expérience 1, les ENB ont été placés sur des cuves contenant 23 kg de substrat (non stérile) 45 jours après leur inoculation (pourquoi ce délai absurdement long ?) avec 77 grammes d'inoculum sur seigle. Les cuves ont été abondamment arrosées 55 jours après inoculation. Les ENB ont été enlevés 90 jours après inoculation. La culture est poursuivie jusqu'à apparition ou non des ascocarpes. A titre personnel, je ne comprends aucun des choix (timing de l'immersion et du placement des ENB, absence d'hivernage) faits pendant cet essai. Ils ne sont pas expliqués et ne correspondent à aucun protocole précédemment décrit, que ce soit dans la littérature scientifique, dans les brevets, ou même dans cette thèse ! Ces cultures donnent tout de même naissance à quelques ascocarpes dont l'initiation commence 56 jours après l'inoculation (juste après l'arrosage donc), sur substrat terre + sciure et terre + paille, pour les deux types d'ENB (sciure + blé et sciure + maïs). De manière surprenante, les bac de culture ayant donné des ascocarpes n'ont pas montré de signe évident de présence de conidies en surface, validant la thèse selon laquelle la présence de conidies n'est pas une condition obligatoire pour la réussite de la culture des morilles.

A ce sujet, l'auteur rappelle que la composition des ENB importe finalement peu et reporte celle donnée par une thèse chinoise sur la culture de M. rufobrunnea (même souche) : En masse : 80% blé, 9% son de blé, 9% copeaux de bois, 1% chaux, 1% Gypse, taux d'humidité : 60%. Application de 2400 g/m². Un milieu très nourrissant par rapports aux standards des cultivateurs chinois utilisant les déchets de biomasse disponibles localement en priorité.

Lors de l'expérience 2, les ENB ont été placés sur des cuves contenant 23 kg de substrat (non stérile) 10-15 jours après leur inoculation avec 77 grammes d'inoculum sur seigle. Les cuves ont été abondamment arrosées à 50-60 jours après inoculation. Les ENB ont été enlevés 65-75 jours après inoculation. La culture ne donnera lieu à aucun ascocarpe. Je ne comprend toujours pas le choix des paramètres expérimentaux. On apprend dans la suite du texte que des essais de baisse de température jusqu'à 12°C ont été effectués (sans suivre aucune méthode) au cours de la culture dans le but d'initier la formation d'ascocarpes (montrant au passage une incompréhension totale du rôle du froid dans le cycle). De nombreuses illustrations montrent des ENB et des bacs de culture totalement envahis de moisissures, certainement à cause des températures trop élevées pendant la colonisation des ENB. L'auteur indique que la présence de la forme conidienne ne semble dépendre d'aucun paramètre en particulier. Les raisons de l'échec de la deuxième campagne sont assignées à plusieurs facteurs : gestion hasardeuse des températures et arrosages, dérive des cultures, mauvaise stérilisation et gestion hasardeuse des timing de placement des ENB. Bref y'a rien qui va, c'est bien le rush typique de fin de thèse auquel on a affaire ici... 

Les expériences indoor sont à la fois extrêmement ambitieuses (la quantité de réplicats est juste déraisonnable) et menées à la va-vite sans méthodologie, ce qui est paradoxal. Une méthode de type plan d’expérience repartant d'une recette chinoise ou de la publication de Masaphy (2010) comme point central avec beaucoup moins d’expériences (un simple plan de Plackett-Burman par exemple) aurait certainement donné plus de résultats. On suppose également que l'auteur n'avait accès ni à une chambre climatique, ni à un équipement de stérilisation adapté à des masses importantes de substrat, ce qui est vraiment dommage en démarrant ce type d’étude.

La thèse se termine sur une discussion au sujet de la forme conidienne. Selon les cultivateurs de morilles en Chine, l’obscurité totale empêche la formation de conidies (problème : l’obscurité totale est liée a un air probablement stagnant saturé d’humidité...). Celles ci sont favorisées par une ambiance non stagnante et une température basse. Une corrélation faiblement négative est notée entre abondance de la forme conidienne et rendement de culture selon les cultivateurs chinois. La formation de conidies varie beaucoup entre souches. 

Mon avis sur cette dernière partie de thèse est que l'auteur est passée totalement à côté de deux paramètres primordiaux : la saisonnalité de la formation des sclérotes (et probablement de la culture des morilles en général) ainsi que le besoin minimum de vernalisation des souches, même pour M. rufobrunnea. Ces deux points sont presque complètement passés sous silence dans la partie bibliographique, ou en tout cas pas appréciés à leur juste valeur, ce qui explique probablement cette omission. Et on ne connait jamais la date des essais expérimentaux ni même globalement la période de l’année. A la décharge de l'auteur, les sources évoquant la saisonnalité du comportement du mycélium de morille ne sont qu'en français. Par contre ignorer la vernalisation est juste incompréhensible (Ower, Volk, Buscot, Molliard, Stamets et Masaphy en parlent...). Je note toutefois avec intérêt l'utilisation de terre crue pour les essais de culture indoor, paramètre qui semble être un des secrets de la méthode Ower.

Un point important est à souligner : la souche de Morchella rufobrunnea cultivée par Mills et testée ici est vraiment très tolérante en termes de vernalisation et de saisonnalité, ce qui explique peut-être son succès en culture hors sol. A moins que sa supposée congélation dans l'azote liquide pendant 20 ans et quelque n'ait provoqué un décalage fortuit de son horloge biologique interne...

Cette thèse, malheureusement, comme toutes les autres, grâce à la magie du saupoudrage des subventions publiques, n'aura probablement jamais de suite et la culture des morilles continuera ses errements entre charlatans en embuscade, cultivateurs de génie partis avec leurs secrets et scientifiques fatigués.


Morchella rufobrunnea obtenues en 2019 en culture contrôlée (indoor) par Ge SiYi, Penn State

dimanche 14 juin 2020

X. L'isolement du mycélium de morilles pour les nuls

Cet article permet d'apprendre à isoler du mycélium de morilles avec du matériel de cuisine, mais dans sa cave.

La procédure d'isolement du mycélium de morille étant à peu près toujours identique, je propose ici un petit tutoriel en images, court mais efficace, permettant de réaliser cette opération sans avoir de connaissances pointues en microbiologie, ni de matériel particulier (comme une hotte à flux laminaire ou une boîte à gants). La méthode présentée ici est presque réalisable entièrement avec du matériel de cuisine classique. Un roman-photo résumant l'ensemble des étapes est disponible à la fin de l'article. J'en profiterai pour comparer la croissance sur deux milieux de culture opposés : un milieu semi-synthétique riche en sucres et un milieu indéfini pauvre en sucres.

Matériel nécessaire (on trouve tout dans sa cuisine et sur internet) : 
- Agar-agar de cuisine, glucose déshydraté, pommes de terre.
- Autocuiseur (cocotte-minute) avec panier, casserole dédiée à la cuisson des milieux de culture, boîtes de pétri en verre ou petits bocaux à vis (type féta ou pot pour bébé) ou tubes de culture, bec Bunsen portatif (type Labogaz de Campingaz) ou fixe relié à un détendeur, ciseaux (type chirurgie) et brucelles stérilisables, scalpel, entonnoir, filtres à café, balance précise à 0.1 g.
- Des morilles séchées conservées dans des bonnes conditions.
- Une pièce non ventilée, fraîche et sombre, cave idéalement.

Matériel facultatif (on peut réussir sans, mais c'est mieux avec) : 
- Microscope optique allant jusqu'au X100, voire idéalement X1000. J'ai trouvé le mien en braderie pour 70 euros. 
- De la bonne terre de jardin et cendre de cheminée, un coin à l'extérieur.
- Carbonate de calcium.
- Masque chirurgical (oui oui, le fameux truc qui ne sert à rien).
- Réfrigérateur dédié afin de garder une relation conjugale harmonieuse.

Ce tutoriel va présenter l'isolement de mycélium de morille à partir de fragments de morilles séchées. L'intérêt de repartir de morilles séchées est que le mycélium est forcément issu de la germination de spores et est donc génétiquement jeune. De plus cette méthode peut être démarrée à n'importe quelle saison, afin d'éviter les problèmes de vieillissement du mycélium lié au stockage estival. L'inconvénient est que le mycélium obtenu ne sera pas un clone exact de l'ascocarpe récolté. Les morilles séchées sont de plus faciles à échanger et traversent le temps et les barrières douanières sans encombre. Il va sans dire que la méthode fonctionne aussi avec des fragments d'ascocarpes frais dans le cas où un clonage est souhaité (On prendra alors plutôt des fragments de pieds). D'expérience, je trouve les fragments de morilles séchées paradoxalement moins contaminés.

Il est toujours utile de savoir si la morille que l'on veut utiliser pour la production de mycélium est stérile ou pas. Une première observation peut être faite au microscope optique : on broie un fragment d'hyménium dans un peu d'eau entre une lame et une lamelle de microscope pour voir si les asques contiennent des spores. Au grossissement x100, les chapelets d'asques contenant 8 spores sont faciles à identifier parmi les contaminants éventuels. Si la présence de spores est avérée, on peut tenter de les faire germer. A cet effet on broie de nouveau un petit morceau d'hyménium dans un peu d'eau sucrée (typiquement eau + miel 1%) et on laisse incuber 24 heures à température ambiante. Ceci peut être effectué directement sur une lame de microscope. Pour que le mélange eau + miel ne s'évapore pas, on enferme la lame dans une boîte étanche contenant un fond d'eau. Au bout de 24 heures, on doit observer un mélange de spores non germées et certaines spores dont le mycélium atteint déjà une taille sortant du champs optique du microscope. 

Si la germination des spores est avérée, on conserve soigneusement notre morille séchée à l'abri de la lumière et dans un endroit frais et sec : les spores sont revivifiables plusieurs années stockées correctement.

Le mycélium de morille est plutôt facile à isoler pour une raison simple : sur milieu adapté, il pousse largement plus vite que n'importe quel contaminant, hormis Rhizopus stolonifer, qui en plus de lui ressembler à l'état jeune, peut coloniser un milieu de culture plus rapidement. Les pénicilliums et autres aspergillus spp. sont très simples à discriminer. Les bactéries font acte de présence seulement en cas de milieu de culture mal préparé (eau liquide résiduelle), le chloramphénicol est donc pour moi tout à fait superflu. Sur culture en pétri de morceaux d'ascocarpes frais, la reprise peut également être entravée par Dactylium spp. (synonyme de Cladobotryum spp. et de Hypomyces spp., dure vie dans la nomenclature pour les moisissures...), alias Cobweb pour les ricains, un ascomycète mangeurs d'ascomycètes (entre autres).

Je vais présenter maintenant l'isolement sur deux milieux : la gélose glucose / pomme de terre (ou milieu PDA pour Potato Dextrose Agar), qui est le milieu semi-synthétique classique utilisé pour l'isolement du mycélium de champignons filamenteux, et la gélose à l'extrait de terre (milieu SEA pour Soil Extract Agar), qui est un milieu assez méconnu du microbiologiste moyen, totalement naturel et indéfini, destiné à cultiver les organismes du sol les plus délicats (ce que semble être le mycélium de morille). Ce dernier milieu permettra de comprendre sous quelle forme le mycélium de morille passe l'été dans la nature et de répondre plus généralement à la question suivante : les morilles peuvent-elles manger de la terre ?

Fabrication du milieu PDA : faire cuire des pommes de terre épluchées dans un excès d'eau pendant 45 minutes à 100°C. Filtrer le bouillon ainsi obtenu et ajouter 20 g/L d'agar, 20 g/L de glucose et 1g/L de carbonate de calcium (ajout personnel). L'ajout de carbonate de calcium permet d'avoir une réserve de calcium et un milieu au pouvoir tampon élevé. Cuire 10 minutes à feu doux jusqu'à dissolution de l'agar. Verser en boites de pétri puis stériliser au moins 1 heure à 120°C (2 heures c'est mieux).

Fabrication du milieu SEA : faire cuire 1 kg de bonne terre de jardin avec une cuillère à soupe de cendres dans un large excès d'eau pendant 2 heures à 100°C. Cette opération doit être réalisée en extérieur à cause de l'odeur très forte dégagée. Récupérer un maximum de bouillon. Filtrer sommairement le bouillon ainsi obtenu puis laisser décanter une nuit. Récupérer le surnageant et ajouter 20 g/L d'agar, et 1g/L de carbonate de calcium (ajout personnel). Cuire 10 minutes à feu doux jusqu'à dissolution de l'agar. Verser en boites de pétri puis stériliser au moins 1 heure à 120°C (2 heures c'est mieux).

Je précise à tout hasard pour les gitanos en herbe qui me lisent qu'une heure à 120°C c'est pas une heure dans le minifour Rowenta de maman au milieu des macaron, c'est 120°C avec 2 bars de vapeur saturée dans la gueule ! C'est minimum cocotte minute à fond, idéalement autoclave industrielle avec cycle automatique ! Rangez aussi vos cuiseurs vapeur, couscoussiers, vitaliseurs de carottes et autres confituriers, ça va pas le faire non plus.

Les boîtes de pétri peuvent être remplacées par des petits bocaux à vis ou des tubes de culture que l'on inclinera pendant la stérilisation afin d'avoir une surface de culture plus importante. Le défaut principal des bocaux et tubes inclinés est que de l'eau liquide s'accumule toujours en bas du milieu de culture, facilitant les contaminations bactériennes. Je préfère donc de très loin les cultures en boîtes de pétri. Dans le cas ou des bocaux inclinés ou tubes de culture sont utilisés, on veillera à ne surtout pas visser le couvercle à fond (on le pose juste) : en plus des risques d'explosion pendant la stérilisation, la remise à l'air à température ambiante se fait avec un appel d'air suffisamment violent pour ruiner la stérilisation. Il est possible de fermer les bocaux simplement avec une feuille de papier d'aluminium bien ajustée pour éviter ces désagréments.

Lors de la stérilisation, il est important de laisser refroidir la cocotte minute ou l'autoclave complètement et dans un milieu le plus stagnant possible pour éviter de contaminer l'intérieur des boites avec des poussières dès que la température sera inférieure à 100°C. Cette étape de refroidissement dans une zone exempte de poussière est très importante. Une bonne pratique consiste à lancer le soir un cycle de stérilisation et à tout ouvrir le lendemain.

Une fois l'autoclave ou la cocotte refroidie, on constate à l'ouverture que les couvercles sont recouverts d'humidité. Il ne faut surtout pas manipuler les boîtes de pétri dans cet état sous peine de risquer une contamination. La meilleure méthode que j'ai trouvé consiste à incliner légèrement la cocotte avant de l'ouvrir afin de faire couler les gouttes sur la gélose (dans un environnement encore stérile), puis de stocker les boîtes de pétri à plat sur un chiffon propre sans rien toucher pendant deux jours, le temps que les couvercles sèchent sur leurs faces interne et que la gélose boive l'eau excédentaire qui aurait pu couler en surface. Une règle d'or : eau liquide dans les milieux de culture = multiplication incontrôlable des bactéries. C'est valable également pour l'amplification sur blé que nous verrons ultérieurement.

Une fois les boîtes de pétri ou les bocaux et tubes inclinés bien secs à l'intérieur, on peut procéder à l'inoculation des milieux de culture par des petits morceaux d'hyménium sec découpés à l'aide d'un ciseau passé à la flamme ou dans l'eau bouillante. On peut travailler sur un papier absorbant, stérilisé de la même manière que les boîtes de pétri par exemple (bourré dans un bocal non fermé ayant subit le même procédé de stérilisation). Le travail se ensuite fait dans l'environnement immédiat d'une flamme de bec bunsen (20-30 cm autour de la flamme). L'effet de stérilité autour de la flamme est simplement du à la colonne d'air ascendante qui empêche la chute de particules non stériles sur les milieux de culture. Le port d'un masque chirurgical est utile si l'on doit parler en même temps, mais pas nécessaire si l'on prend soin de respirer doucement pendant l'opération. L'inoculation est réalisée en enfouissant un petit morceau d'hyménium sec dans la gélose en bord de boîte. L'inoculation en bord de boîte permet de récupérer le mycélium qui progresse le plus vite vers le bord opposé, le mycélium de morille ayant une croissance plus rapide que la plupart de ses compétiteurs. De manière générale, le milieu en boite de pétri ou en bocal reste stérile tant que le couvercle est posé dessus, on limitera donc au maximum la manipulation des couvercles (et des boîtes par extension). L'opération se faisant avec des fragments de morilles non stériles, une bonne moitié des cultures sera contaminée, c'est normal. La suite va donc consister à rapidement identifier des mycéliums à bon potentiel et à éliminer toute culture douteuse. Je propose certains critères de sélection pour le mycélium qui pour l'instant ne m'ont pas rendu riche. A vous d'expérimenter.

La reprise de la croissance par germination des spores est rapide : sur milieu SEA, les premiers hyphes sont visibles dès le lendemain. Sur milieu PDA, les premiers signes de croissance apparaissent au bout de 48 heures. On voit bien ici la distinction entre milieu semi-synthétique et naturel : le milieu SEA est parfaitement adapté à la germination rapide des spores. La culture sur les deux milieux montre ensuite une croissance à 1 cm par jour à 18°C. Les boîtes de pétri sont envahies en une semaine. Le milieu PDA a paradoxalement été plus sélectif (moins contaminé) que le milieu SEA pour le mycélium de morilles. En tout cas la culture répond à une question : les morilles mangent bien de la terre !

Comment reconnaître le mycélium de morille : le mycélium est initialement prostré et rampe rapidement à la surface de la gélose avec seulement quelques hyphes aériens visibles en lumière rasante. Sur milieu riche en sucre (PDA, gélose au jus de pommes, etc), la pigmentation du milieu de culture, puis du mycélium et des sclérotes est très précoce et intense. C'est une marque du mycélium : les milieux riches en sucres deviennent très foncés. Cette pigmentation intense est la conséquence indirecte d'un stress oxydatif, typiquement lié à la trop grande activité métabolique sur ces milieux riches en sucre facilement assimilables (rien n'est plus facilement assimilable que le glucose), couplée à un manque évident de micro-éléments pouvant être intégrés aux enzymes de protection contre les ROS (la pomme de terre n'est pas connue pour sa richesse légendaire en micro-éléments). On rappelle le rôle primordial du manganèse (par exemple) sur la protection des mitochondries, principale faiblesse des fungi, contre le stress oxydatif. C'est à mon avis la raison principale pour laquelle le mycélium de morille sur milieu PDA devient rapidement pigmenté s'il n'est pas conservé à basse température. Il est bon de noter que la création de sclérotes est d'après moi également très dépendante de la saison. Toute culture menée hors printemps ou automne donnera plutôt une culture encroûtante que des sclérotes bien individualisés sur milieu riche. C'est vraiment le brunissement précoce du milieu de culture, puis le roussissement du mycélium vers deux semaines de culture à 20°C qui est révélateur du mycélium de morille selon moi.

Inversement, sur milieu SEA, la teneur en carbone assimilable est faible et la disponibilité des micro-éléments fortes : le mycélium pousse vite (aussi vite que sur milieu PDA), mais sous une forme très peu dense et garde un caractère juvénile (pas de pigmentation, pas de sclérotes). C'est certainement sous cette forme juvénile que le mycélium passe l'été dans le sol, ce qui explique sa capacité à fructifier même après avoir subit des températures élevées. Le phénotype en milieu SEA reste ras quel que soit l'âge de la culture.

Dans tous les milieux de culture, le mycélium de morille se caractérise par la présence de nombreuses anastomoses (le croisement de deux hyphes génère un point de contact sur la gélose). Ce trait morphologique est absent de tous les contaminants potentiels rencontrés en boîte de pétri.

Etant donné les avantages et inconvénients de ces deux milieux de culture, je propose un troisième milieu de culture adapté spécifiquement pour la culture du mycélium de morille: une gélose à la terre enrichie avec une source de carbone moins stressante du point de vue osmotique (amidon) et surtout moins concurrentielle, ainsi qu'une source de vitamines et protéines reconnue : la levure (de bière ou de boulanger).

Fabrication du milieu SEA enrichi pour conservation du mycélium : autoclaver 1 kg de bonne terre de jardin avec une cuillère à soupe de cendres dans deux litres d'eau pendant 2 heures à 120°C. Récupérer un maximum de bouillon sans se soucier de sa turbidité et sans laisser décanter. Ajouter 20 g/L d'agar, 16 g/L d'amidon de maïs (maïzena), 16 g/L de levure de boulanger (ou de bière) séchée et 1g/L de carbonate de calcium. Cuire 10 minutes à feu doux jusqu'à dissolution complète de l'agar. Verser en boites de pétri puis stériliser au moins 1 heure à 120°C (2 heures c'est mieux).

La culture sur ce milieu présente des caractéristiques intermédiaires entre le milieu SEA et PDA (croissance soutenue et pigmentation modérée), mais surtout, l'absence de sucres libres inhibe efficacement la croissance concurrentielle des parasites de type pénicillium et des bactéries. Ce milieu est donc assez polyvalent : efficace à la fois pour l'isolement et assez nourrissant pour la conservation du mycélium à 4°C.

Quelle est l'étape finale du procédé ? On repique du mycélium bien pur prélevé à l'extrémité opposée du lieu d'inoculation, par découpage d'un bout de gélose de 5x5 mm à l'aide d'un scalpel passé à la flamme, sur une nouvelle gélose nutritive stérile puis on stocke le tout à basse température (4°C) en attendant l'étape suivante qui reprend à l'automne : l'amplification du mycélium sur blé. Comme l'isolement à partir de morilles séchées peut être réalisé à n'importe quelle époque de l'année, il est judicieux de le faire en fin d'été juste avant l'étape d'amplification pour éviter l'étape de stockage.

La conservation du mycélium de morille peut également être effectuée sur des simples bocaux de terre stérile (additionnée d'une source d'amidon par exemple). Les bocaux présentent l’intérêt d'être plus facilement conservés stériles et d'être moins soumis à la dessiccation.

Conclusion : il est certainement possible de retarder la sénescence du mycélium de morille en le conservant sur milieu pauvre en sucres et riche en micro-éléments, comme la gélose à l'extrait de terre, ou même tout simplement sur de la terre stérile. Inversement, les milieux riches en carbone et pauvres en micro-éléments induisent un stress oxydatif intense sur le mycélium qui accélère probablement sa sénescence, obligeant ces milieux à être réfrigérés pour une conservation long terme du mycélium. Je propose donc un milieu de culture intermédiaire, sans sucres libres, la gélose à l'extrait de terre enrichie, qui me donne parfaite satisfaction en culture. Dernier point : je refuse catégoriquement l'utilisation d'antibiotiques car mes cultures contaminées finissent au compost, qui finit lui-même dans mon potager. 

Edit avril 2021 : les photos de mycélium jaunâtre présentées dans cet article correspondent à du mycélium probablement contaminé par une bactérie. Des images de mycélium pur peuvent être consultées sur ce document. La méthode présentée ici n'est pas remise en cause pour autant.


Mycélium de morille de 7 jours sur milieu PDA, vu en transparence. La pigmentation rousse intense du milieu de culture est typique de la morille sur milieu sucré. Crédit : Raphaël BOICHOT

mercredi 20 mai 2020

IX. La culture des morilles sous serre selon Zhu Douxi

Cet article aborde une méthode spécifique de culture des morilles en plein champs publiée en 2017 par Zhu Douxi

Propos liminaires : je vous préviens, ici on va déboulonner des statues, ça tombe bien c'est à la mode. Cet article résume un livre de référence de 184 pages écrit en mandarin (et le mandarin c'est dense !). J'en extrairai uniquement ce qui est intéressant/novateur/contradictoire par rapport à la bibliographie scientifique ou à internet. Le lecteur pourra également se référer à un autre article plus général sur la méthode chinoise, qui synthétise le point de vue scientifique. Le livre étant un mélange d'approximations et de vraies informations totalement pertinentes et assises par des années de savoir-faire, j'essayerai d'indiquer clairement à quel moment je reporte les propos de l'auteur, tel que, et à quel moment je torpille ses approximations et nombreuses incohérences. Le livre souffre d'un manque évident de relecture externe puisque beaucoup d'informations et d'illustrations sont redondantes (voire très redondantes) au sein même des chapitres et/ou placées aléatoirement. Aucune figure n'est numérotée. La structuration du livre en chapitre est quasiment superflue car les idées présentées dans le livre ne sont elles-mêmes pas structurées. La traduction du livre suivra donc le fil décousu des idées de son auteur. La mise en page est en revanche très agréable (c'est déjà ça). Je précise que je partais avec un a priori très favorable sur ce livre qui m'a couté un bras. 


Nouvelles techniques de culture de Morilles à haut rendement en Chine (中国羊肚菌高产栽培新技术) par Zhu Douxi, Institut de Recherche sur les Champignons Comestibles de Mianyang, Province du Sichuan, Chine, 2017.


Chapitre d'introduction

L'introduction du livre est une ode à la gloire de Zhu Douxi, dont on suppose le titre : il est probablement ingénieur agronome "maison" (dans tout les cas ni docteur, ni professeur, comme on peut le lire dans la presse, ces titres universitaires étant certainement un peu trop abstraits pour le milieu journalistique plus habitué à frayer dans le milieu urbain des bullshit jobs, NDT). L'auteur ne fait référence à aucune antériorité bibliographique de réussite de culture des morilles et déclare être le premier être humain à avoir cultivé des morilles, rien que ça. Le livre dans son ensemble ne contient aucune référence bibliographique ni aucune référence sérieuse à d'autres auteurs. L'étude mondiale de la culture des morilles, selon Zhu Douxi, a donc débuté en 1985 en Chine (prétendument un an avant le brevet Ower de 1986 donc, sauf qu'il ne doit pas savoir que le premier article de Ower date de 1982, NDT). Notons au passage que les premières références publiées sur la culture réussie de morilles en Chine datent en fait de 1983, ce que l'auteur feint d'ignorer, NDT. Le procédé décrit par l'auteur a donc abouti à sa forme actuelle en 2012 (six ans après la fin de validité des brevets américains, en 2006, NDT). Zhu Douxi évoque également le transfert réussi de sa méthode de culture à la France. L'auteur se présente plus ou moins comme un génie autodidacte. Pourtant, nous allons le voir, il semble bien connaître la littérature de référence puisqu'il la plagie allègrement sans la citer (NDT). Zhu Douxi va livrer dans la suite du livre plusieurs décennies de son savoir-faire, échecs (en fait non, il n'en parlera jamais, NDT) comme réussites, sur sa méthode de culture des morilles. Le livre est richement illustré de photos de morilles et de mycéliums accompagnés de jeunes filles, ce qui rend la lecture du livre en mandarin beaucoup plus légère que celle des ignobles brevets ou tentatives de brevets qui en sont inspirés (voir suite de l'article, NDT).

Chapitre 1 : vue d'ensemble du genre Morchella

Le chapitre démarre sur un descriptif général des nombreux bienfaits thérapeutiques de la morille (non sourcés) et une analyse rapide du marché qui motive l'export de ce champignon vers l'Europe. Le chapitre aborde ensuite des aspects de biologie et de systématique du genre Morchella. La systématique est très succincte, totalement surannée et les quelques noms latins cités sont douteux. Un descriptif général du genre est proposé avec des photos de spores prises à un grossissement tellement faible que leur identification même en tant que spores de morilles est impossible. Suit une description des conditions de croissance optimales du genre Morchella. Le mycélium peut croître de 3 à 25°C et meurt à 28°C. La température optimale de germination des spores est de 18 à 22°C. Les ascocarpes peuvent croître de 10 à 18°C avec un optimum entre 12 et 16°C. L'humidité du sol pendant la phase végétative (colonisation du sol et des ENB) doit être comprise entre 50 et 70%, avec un optimum entre 60 et 65% (ces valeurs sont totalement incohérentes avec la littérature scientifique qui recommande entre 25 et 35%, je suppose donc qu'aucune mesure concrète n'a jamais été faite par l'auteur, NDT). L'humidité de l'air pendant la croissance des ascocarpes doit quant à elle être comprise entre 85 et 95% afin d'éviter un dessèchement du sol pendant cette période clef. La croissance du mycélium ne nécessite pas de lumière mais la croissance des ascocarpes nécessite un minimum de luminosité et ceux-ci présentent un phototropisme marqué en culture. Ombre trop dense ou lieux ensoleillés ne conviennent pas à la croissance des ascocarpes. Pendant la phase de fructification, la quantité de dioxyde de carbone ne doit pas dépasser 0.3% dans l'air, l'aération est importante. Il faut donc jongler entre aération et maintien de l'humidité pendant cette phase. Le mycélium peut pousser de pH 6 à pH 9.5, avec un optimum entre pH 6 et pH 7.5. La morille n'a pas de besoins nutritionnels élevés quel que soit son stade de croissance (mycélium ou formation d'ascocarpes). L'abondance de nutriments nuit à la fructification contrairement à tous les autres champignons. Pour cet auteur, les conditions environnementales sont la clef pour la réussite de la culture des morilles, devant les besoins nutritionnels du mycélium. Ce point de vue original, qui est un contre-pied total par rapport à tout ce qui est publié, mérite d'être souligné (NDT).

L'auteur décrit ensuite ses observations personnelles de cueillettes afin de cerner les conditions naturelles (l'écologie) d'apparition des ascocarpes dans la province du Sichuan. Les morilles sont observées sur les collines stériles brûlées pour ouvrir des terres pour la culture de maïs, ou encore autour des tas de copeaux issus de la distillation du bois de camphrier. Aucune association avec un type particulier d'arbre ou de plantes n'est notée, c'est plus la présence du couvert végétal qui est importante pour trouver des morilles dans la nature (on ne sait pas de quelle espèce ni de quel clade l'auteur parle, NDT). L'auteur réfute le fait qu'une association entre mycélium de morille et micro-organisme (bactérie, autre champignon,etc.) puisse avoir un effet bénéfique sur la fructification. Un couvert végétal trop dense ou au contraire inexistant (désert ou zones inondées) est jugé défavorable à la présence de morilles. Le type de sol, en particulier la teneur en matière organique, semble peu important. Seuls les sols battants ("morts") sans matière organique sont jugés défavorables. D'après l'auteur, peu importe le type de sol et les associations végétales, seules les conditions environnementales (lumière et humidité) expliquent les lieux de pousse des morilles.

La croissance du mycélium (on suppose en culture, NDT) dans le sol amène à la formation de la forme conidienne qui ressemble à du givre, au bout de 10 jours. Cette phase prend fin après 3 semaines par dispersion des conidies par les vents (je confirme par des observations personnelles que cette forme est très facilement mise en suspension dans l'air, NDT). Une forme plus colorée peut se former en sol inondé. On ne sait pas ce que ce paragraphe fait ici dans le livre (NDT).

Les morilles poussent entre 500 et 1500 m d'altitude, dans les forêts de feuillus ou mixtes, les champs, les vallons stériles (non cultivés), les tranchées, les bords de rivière et les vergers. Les conditions de croissance optimales sont alors rappelées (paragraphe redondant, NDT).

La morille est un champignons saprophyte adapté aux basses températures, qui pousse naturellement au printemps et à l'automne. Les spores une fois tombées au sol germent et commencent à former des mycéliums primaires (monocaryotique ?), puis des mycéliums secondaires (dicaryotiques ?) par fusion des noyaux (Je laisse à l'auteur la responsabilité de la description du cycle de vie de la morille, NDT). Le mycélium subit ensuite une série de transformations physiologiques qui amènera à l'absorption du carbone et de l'azote du sol pour former des organes de fructification. C'est ce cycle qu'il convient de décrire pour réussir la culture artificielle des morilles. Suit une figure montrant le cycle de vie des morilles largement plagiée sur Volk où l'auteur déclare que les mycéliums primaires et secondaires peuvent former des sclérotes, qui peuvent eux-même indifféremment former des ascocarpes. Le tout est indiqué sans référence, l'information peut donc tout simplement être une approximation liée à un manque de compréhension de la bibliographie sur le sujet (NDT).

L'auteur présente ensuite avec force détails les différentes régions où les morilles sont naturellement présentes en Chine. Je résume parce que c'est long, il y en a essentiellement dans la partie continentale de la Chine, loin des mers, mais pas dans les déserts. Les régions de production sont ensuite abondamment décrites, mais on retiendra que la production se fait essentiellement dans le Sichuan et le Yunnan, suivi du Shaanxi et du Gansu (des régions intérieures donc, NDT). Le Hubei, région principale de production à la date de publication du livre, n'est curieusement pas cité (NDT). Les espèces de chacune de ces régions sont ensuite décrites succinctement sans aucun nom latin ni élément de systématique. L'auteur précise que les zones occidentales (dans le sens "Europe") sont tout à fait adaptées à la culture de la morille.

Plusieurs pages sont ensuite consacrées aux vertus médicinales et nutritionnelles de la morille, une passion typiquement chinoise. Un comparatif des compositions des morilles naturelles et de culture est effectué. Les valeurs ne sont pas significativement différentes hormis le calcium et quelques acides aminés. La méthodologie statistique n'est cependant jamais précisée. Les effets médicinaux allégués des morilles (je passe la liste, NDR) sont comparés à ceux des autres champignons de culture appréciés en Chine (indiqués hélas sous leurs noms barbares uniquement, NDT).

L'auteur se lance ensuite dans une "enquête" époustouflante de 5 lignes sur les précédents de culture des morilles, où il conclue qu'hormis un obscur brevet de Joseph Szuecs de 1958 (qui n'a rien à voir avec le thème du livre, le brevet traite de la culture du mycélium de champignons supérieurs en milieu liquide, NDT), il n'y a aucune preuve de la production réussie d'ascocarpes dans le monde entier (livre publié en 2017 je rappelle, NDT). Les premières recherches mondiales sur la culture des morilles dateraient donc de 1985 et seraient dues uniquement à l'auteur lui-même, qui après 7 ans de travail a réussi à domestiquer la morille sauvage dès 1992 puis mis 20 ans à converger vers un procédé de culture stable (2012). Je précise que Zhu Douxi prend ici le lecteur pour un jambon puisque qu'il sait très bien citer les antériorités occidentales sous la pression de l'office des brevets chinois dès lors qu'il s'agit de plagier maladroitement des brevets existants (comme par exemple le brevet Ower plagié en... 2007, courageux mais pas téméraire Mr Zhu), le tout sans se déparer de sa mégalomanie habituelle (NDT). Pire, les premières occurrences bibliographiques sur la culture réussie des morilles en Chine datent en fait de 1983... Je suppose que ce livre n'avait pas vocation à sortir du territoire chinois, mais Zhu Douxi sert également ce mensonge éhonté devant les caméras occidentales avec le même appoint, d'où sa (toute) relative célébrité sur internet (NDT). Point positif cependant à ce manque flagrant d’honnêteté intellectuelle : les brevets et tentatives de brevets de Zhu Douxi ne valent rien à cause des antériorités (et accessoirement parce qu'il ne sait pas plus écrire un brevet qu'un livre, mais c'est une autre histoire).

Zhu Douxi explique ensuite que sa méthode se base sur la culture de champignons sauvages, en leur procurant simplement des conditions de cultures plus adaptées qu'en milieu naturel entraînant des rendements stables. L'aspect des champignons de culture est également plus apprécié que celui des champignons de cueillette. L'auteur conclue ce chapitre par l'intérêt commercial du développement d'une filière chinoise de production de morilles, étant donné les tensions d'approvisionnement de ce champignon sur le marché mondial.

Chapitre 2 : culture du mycélium de morille

La culture des morilles est très différente de celle des autres champignons comestibles. Le mycélium est très facilement contaminé et difficile à séparer des contaminants. Si vous imitez une autre technique de culture des champignons comestibles (que celle de l'auteur, NDT), il est facile d'échouer (par exemple en imitant celle de référence de Stamets publiée en 1983 qui est intégralement plagiée par Zhu Douxi ici, NDT). Pour reconnaître le bon et le mauvais mycélium, les différents contaminants, venez suivre nos formations (payantes, NTD) à l'Institut de Recherche sur les Champignons Comestibles de Mianyang. La sélection des souches est critique pour la réussite du procédé (nous y voilà, NDT).

La souche ne peut être amplifiée qu'à partir d'une culture originale (issue d'un ascocarpe, NDT), et le mycélium planté ne peut être amplifié qu'à partir de cette souche amplifiée une première fois. Dis de manière compréhensible : on ne repique que trois fois au maximum (NDT). Si la souche est conservée trop longtemps ou à température trop élevée, cela a une influence très forte sur le rendement de la récolte. Il faut sérieusement envisager le fait de ne partir que de cultures neuves (issues d'ascocarpes, NDT) tous les ans et de domestiquer progressivement les meilleurs souches (les plus productives) par sélection. Suit un diagramme du procédé complet, mais nous reviendrons sur chacune des étapes. Le plus important est rappelé : on part d'une culture neuve, puis on amplifie au maximum deux fois la souche pour arriver à l'inoculum répandu en plein champs. C'est exactement le même procédé d'amplification recommandé par Stamets en 1983 à une exception près : la culture est ensuite menée en plein champs (NDT). Suit un diagramme sur le principe d'amplification plagié sur Stamets (NDT). Pour la sélection de la souche, partez d'une belle morille locale et stockez-là à basse température dans un erlenmeyer stérile pour limiter sa contamination par frottement.

Préparation du milieu de culture PDA (Potato Dextrose Agar) : 200 g de pommes de terres, 20 g de glucose, 20 g d'agar-agar, 0.5 g de dihydrogénophosphate de potassium, 0.5 g de sulfate de potassium, eau pour compléter à 1000 mL. Les pommes de terre sont d'abord cuites dans l'eau (pelées, mais la recette officielle conseille de garder la peau mais de les couper en morceaux, NDT), puis le jus de cuisson filtré pour servir de base à la suite, ce qui est la recette classique. A la vue des photos du livre, l'agar utilisé est de l'agar de cuisine en filaments du type de celui vendu dans les supermarchés asiatiques (NDT).

Préparation du milieu "forestier" : comme le milieu PDA mais les pommes de terres sont remplacée par la même masse de sciure de bois qui est également cuite. Les deux milieux sont préparés comme tel : le jus de cuisson (de la sciure ou des pommes de terre) est filtré, l'agar est ajouté dans le jus de cuisson puis cuit jusqu'à dissolution complète. Le reste des ingrédients est ajouté, le volume complété à 1000 mL puis le pH ajusté à 7.0 (avec de la soude, NDT). Le milieu est coulé chaud de manière à remplir 1/5 de la hauteur de tubes de culture. La culture en Chine est donc réalisée en tubes. A titre personnel, je trouve la culture en tube adaptée pour la conservation et l'expédition, mais pas du tout pour l'isolement, qui est plus aisé en boîtes de pétri (NDT). Les tubes sont ensuite autoclavés 1.5 heures à 120°C (bouchons non vissés je suppose, NDT), puis l'autoclave est laissée à refroidir inclinée de manière à ce que le milieu de culture occupe 2/3 de la hauteur du tube à solidification. Les tubes ne sont pas manipulés tant que de l'eau de condensation est visible à l'intérieur. 

La méthode de production consiste à cloner (le mot est mal choisi vu la présence massive de spores, y compris sur le pieds du champignon, NDT) un ascocarpe frais. Le clonage d'ascocarpes de morilles est difficile car le chapeau est creux et difficile à désinfecter. Toutes les parties du champignon peuvent être utilisées. Suit la description d'une méthode de désinfection des boîtes à gants par fumigation au formaldéhyde, en faisant un mélange de formaldéhyde et de permanganate de potassium (Le formaldéhyde est une saloperie cancérogène, mutagène et reprotoxique fortement réglementée en France depuis 2008, NDT), les chinois semblant n'utiliser ni hotte à flux laminaire, ni bec bunsen, mais une boîte à gants fumigée avec ce mélange craspouille (et c'est original pour le coup, j'avais jamais entendu parlé de ça, NDT). La boite à gants empêche simplement les poussières de tomber dans le milieu de culture (NDT). Les morilles sont préalablement rincées plusieurs fois à l'eau stérile pour abaisser leur niveau de contamination. La suite se passe sous boîte à gants. Un morceau de morille de la taille d'une graine de soja (imaginez un petit pois, NDT) est transféré dans le tube de culture (au milieu approximativement). Le tube est rebouché par une bourre de coton stérile. Le taux de succès est très faible et il faut répéter cette opération initialement un grand nombre de fois avec différents morceaux de morilles (issus peu importe du pieds ou du chapeau). Des fragments de terre issus de l'environnement immédiat de l'ascocarpe peuvent aussi être utilisés, mais le taux de succès est encore plus faible. Cette méthode est très difficile pour les débutants et même si elle fonctionne, rien ne garanti que la souche sera fructifère. Il est recommandé d'acheter nos souches de l'Institut de Recherche sur les Champignons Comestibles de Mianyang si vous voulez augmenter vos chances de succès (vas-y, vends moi encore ta soupe Mr Zhu, ton bouquin est déjà pas assez cher comme ça !, NDT). 

Les tubes sont ensuite incubés à 15-18°C et observés chaque jour. Au troisième jour, du mycélium doit commencer à être visible et c'est le moment le plus critique pour la séparation des souches pures et des souches contaminées par divers bactéries et champignons. Le milieu de culture contenant du mycélium de morilles brunit en vieillissant. Parmi tout ce qui va pousser dans les tubes, il est très difficile d'identifier les bons mycéliums de morilles. Le mycélium de morille est d'abord blanc-gris à l'état jeune, pousse rapidement, et devient jaunâtre à orangé (roux) en vieillissant. Des sclérotes se forment de manière visible sur le milieu de culture en 7 jours. On ne peut s'assurer de la pureté de la souche qu'après 15-20 jours de culture sans contamination. Il est toujours possible éventuellement de ré isoler un tube contaminé après coup. Idéalement, la souche devrait faire l’objet d'une culture préalable en plein champs avant de la déclarer apte à fructifier (pour la conserver, la revendre ou la produire en masse, NDT). La culture peut ne pas marcher même avec des souches à l'allure saine pour des raisons inconnues propres à la souche. L'auteur parle systématiquement de Morchella esculenta, ce qui ne manquera pas de faire s'étouffer le lecteur averti de ce blog (NDT). Aucune indication n'est donnée sur la méthode de conservation des meilleurs souches d'une année sur l'autre en cas de réussite sur des cultures test en plein champs (NDT). Un stockage cryogénique du mycélium fraîchement isolé entre -80°C et -196°C dans 10-15% de glycérol + eau (ou du lait écrémé) est probable (NDT).

Les souches ne doivent jamais être stockées à températures élevées (aucune température n'est indiquée, mais on lit ensuite 18°C maximum, NDT). La souche mère est produite en prélevant un morceau sain de gélose (de la taille d'un grain de soja) issu des tubes précédents non contaminés et en le repiquant dans un nouveau tube contenant le même milieu de culture stérile incliné. Le milieu doit être envahi en 5 jours, la reprise est notable dès 48 heures. Les tubes de cultures mères non utilisés peuvent être stockés pour une durée de 4 mois à 3-5 °C.

Des milieux plus nutritifs sont ensuite indiqués pour le stockage des souches en tubes (on suppose pendant l'été, NDT), dits "tubes parents". Ce sont essentiellement les milieux PDA ou "soupe de sciure" décrits précédemment, complémentés par 1 g par litre d'extrait de viande ou de levure. La procédure de stérilisation en tube est répétée dans le livre de manière redondante. La souche mère purifiée précédente est divisée en 5-8 tubes "parents". Ces tubes "parents" sont cultivés à plus basse température (12-15°C) et peuvent être conservés maximum 4 mois à 3-5°C. Ce sont ces tubes qui serviront de souches pour l'amplification (NDT). L'isolement est donc fait en milieu pauvre en protéines et la conservation des souches pures en milieu plus nutritif, ce qui est assez logique finalement (NDT).

A titre strictement personnel (NDT), je ne comprends pas l'intérêt de démarrer la culture au printemps et de conserver les souches (avec tous les aléas de vieillissement et de repiquage que cela comporte), alors que la culture peut être démarrée en fin d'été avec des morilles séchées (voire congelées) ou une sporée, les spores étant un excellent moyen de conservation long terme du patrimoine génétique des morilles (voir thèse de Buscot). Ceci permettrait d’enchaîner isolement sur gélose puis amplification dans un laps de temps assez faible. Une méthode recommandée par Stamets pour la culture des champignons saprophytes : laisser le mycélium courir tant qu'il peut, ne jamais stocker une souche au stade végétatif (hormis stockage cryogénique bien sûr), ne jamais laisser la croissance s'arrêter jusqu'à fructification (NDT).

Le milieu de première amplification en bouteille est ensuite décrit. Il contient (en masse) 75% de blé, 6 % de sciure de bois, 8 % de son de blé, 10 % de terre, 1 % de gypse (sulfate de calcium) et doit titrer au final 65 % d'eau. Le mélange doit être intime. Le pH n'est pas corrigé. D'autres milieux sont donnés pour référence : 

- sciure de bois 75 %, son de blé ou de riz 20 %, sucre, gypse et superphosphate à 1 % chacun, terre 2%, pH final non modifié, titre en eau final 65 %.
- sciure de bois 50 %, cosses de coton 30%, son de blé 15 %, sucre, gypse et superphosphate à 1 % chacun, terre 2%, pH final non modifié, titre en eau final 65 %.
- cosses de graines de coton 80 %, son de blé 15 %, gypse et sulfate de magnésium à 1 % chacun, terre 2%, pH final non modifié, titre en eau final 65 %.
- drèches de mais 50 % (je suppose broyées, NDT), copeaux de bois 30 %, nouilles de riz 15 %, gypse 1 %, terre 3%, pH final non modifié, titre en eau final 65 %.

Des bouteilles en verres à col large (ce modèle n'existe pas en France, NDT) sont remplies de ce mélange, rincées à l'extérieur puis fermées par une bourre de coton. Ces bouteilles sont autoclavées 2 heures à 120°C ou maintenues 6-8 heures à 100°C. Au delà, il y a risque de dégradation des qualités nutritives du mélange. Les bouteilles sont ensuite inoculées par les tubes "parents", chaque tube pouvant inoculer 2-3 bouteilles (je trouve ce nombre faible, NDT). Les bouteilles sont incubées à 15-18°C. En 5 jours le mycélium a recouvert la surface, en 7-10 jours le mycélium atteint le fond de la bouteille. Les bouteilles peuvent être conservées dans le noir 20-30 jours en évitant les hautes températures, mais le stockage ne dois pas excéder 45 jours.

Le mycélium est ensuite amplifié en sacs. La composition du milieu d'amplification de l'inoculum en sacs qui sera mis en terre est basée sur la disponibilité des ressources locales étant donné la quantité importante nécessaire. L'auteur livre 30 recettes, je ne vais clairement pas toutes les traduire (NDT). Une recette est citée en particulier comme référence : blé 50%, paille broyée, fourrage en granulés ou sciure de bois 15%, terre fine ou tamisée 25%, son de blé 10%, teneur finale en humidité 65%. Parmi les éléments qui peuvent être utilisés : blé et son de blé, fourrage en granulés, copeaux et sciure de bois, drêches et farine de maïs (maïzena, NDT), cosses de coton, son de riz, terre, gypse et dérivés phosphatés. L'auteur insiste sur le fait que la composition importe peu, hormis la teneur en eau à 65%. Ce milieu de culture est autoclavé 2 heures à 120°C ou maintenu 6-8 heures à 100°C. Le contenant est généralement un sac autoclavable. L'inoculation est faite stérilement à partir des premières bouteilles d'amplification vers ce deuxième milieu d'amplification en sacs à raison de 50 sacs inoculés avec 1 bouteille. Pour moi, les milieux de première et deuxième amplification peuvent être identiques (NDT).

La fabrication des ENB est ensuite abordée (nom officiel : sacs de nutrition, NDT). Ces sacs sont généralement fabriqués un mois après le semis de l'inoculum en terre (cette méthode utilise un délais assez long entre inoculation du sol et pose des ENB, NDT). Ces sacs sont utilisés à raison de 1000 sacs par mu (666 m², NDT). La masse des sacs n'est jamais précisée mais on imagine bien plusieurs kg par sac vu les photos (NDT). Les compositions typiques pour les ENB sont les suivantes (la teneur finale en eau est toujours de 65%) : 

- sciure de bois 85%, son de riz ou de blé 15%
- sciure de bois 45%, fourrage en granulés 45%, blé 10%
- cosses de coton 30%, terre 40%, son de blé 30%
- cosses de coton 80%, son de blé 20%
- balle de céréales 30%, son de blé 20%, terre 50%
- balle de riz 80%, farine 20%
- sciure de bois 76%, son de blé 20%, sucre 1%, gypse 1%, terre 2%
- cosses de coton 86%, superphosphate 2%, gypse 2%, terre 10%
- drêches de maïs 68%, son de blé 20%, gypse 1%, acides aminés 1%, terre 10%
- paille broyée 50%, paille de blé broyée 30%, son de blé 15%, terre 5%
- broyats de résidus de culture 70%, son de blé 20%, sucre 1%, gypse 1%, terre 8%
- sciure de bois 78%, son de blé 20%, sucre 1%, gypse 1%
- bagasse 70%, son de blé 30%, 
- balle de céréales 70%, son de blé 30%

Bref on résume : amplification en bouteilles puis en sac : 80% amidon, 20% cellulose et calcium, ENB : 80% cellulose et 20% amidon et calcium (NDT).  Les sacs ENB contenant ce milieu sont en polyéthylène ou polypropylene transparents, de 14 x 28 cm. En prenant 14 cm comme étant le diamètre et 28 cm la longueur, les ENB pourraient avoir une contenance maximale de 17 litres, soit près de 10 kg de contenu par sac (NDT). En recoupant avec les publications scientifiques, on peut estimer raisonnablement que les ENB font entre 2 et 10 kg. On peut encore resserrer la fourchette sachant que le taux d'ENB conseillé dans la littérature est de 2 kg/m² et la densité de pose de 1 ENB pour 2 m², ce qui suppose que les ENB font à peu près 4 kg (NDT). La stérilisation est effectuée soit à 120°C pendant 2-3 heures, soit à 100°C pendant au moins 8 heures. Les ENB stériles sont soit étêtés puis retournés sur la terre, soit percés de plusieurs trous latéraux et couchés sur le côté contre la terre. Les sacs peuvent être laissés en place jusqu'à récolte ou enlevés après un mois (ça me paraît court par rapport à la bibliographie scientifique, NDT). Ils sont espacés de 40-60 cm sur le sol. Ces sacs vont réveiller le mycélium enfoui, ouvrir ses canaux de transport des éléments nutritifs et favoriser la formation de primordiums. L'ajout de ces sacs est la clef de la culture des morilles. La méthode d'application des sacs sur le sol est répétée plusieurs fois dans le livre (NDT). Un détail attire mon attention : il est fait mention de la plantation avec deux souches distinctes (NDT). La méthode consiste à planter d'abord une souche dans le sol avant de mettre en place des ENB inoculés avec une deuxième souche. Ce paragraphe, situé page 50 du livre, est totalement incompréhensible même pour un locuteur chinois natif et est probablement copié-collé tel quel d'un brevet de Zhu Douxi, hors contexte, vu le style (NDT).

L'irrigation du mycélium est ensuite une étape importante du procédé. Il faut faire subir au mycélium une série d'expositions fortes à l'humidité sans pour autant tasser le sol. Suit une image où l'on voit des tranchées littéralement noyées dans un champ fraîchement inoculé (NDT). A peu près 15 jours après semis, le mycélium doit être imprégné d'humidité par noyage des tranchées, puis à peu près une fois par mois ensuite selon les besoins du sol en eau. La méthode consiste à noyer les tranchées autour des plantations quasiment jusqu'à immersion du mycélium puis à laisser le sol ressuyer tout de suite. Cette méthode me rappelle des coins de cueillettes de morilles en zone inondable où le terrain subit exactement ce genre de traitement en hiver (NDT).

Après 27 ans de recherches à l'Institut de Recherche sur les Champignons Comestibles de Mianyang, nous avons compris que la qualité du mycélium est un autre facteur important de succès. Beaucoup de cultivateurs mettent sur le compte de l'inadéquation du type de souche à leur sol leurs mauvais résultats de culture, or c'est un paramètre secondaire. La souche ne doit juste jamais être conservée longtemps ou à haute température. Il faut comprendre qu'une souche, même fructifère, peut être corrompue à la moindre erreur de duplication, de conservation ou de transport. Même la meilleure des souches, mal conservée, peut ne rien donner. Les conditions environnementales, l’occurrence de parasites, et la culture mal menée sont d'autres facteurs importants.

Les hautes températures et les temps de culture trop long font noircir de mycélium et les sclérotes et accélèrent son vieillissement. Il faut toujours conserver la culture mère à 3-5°C (déjà dit, NDT).

Proposition de planning typique pour le Yunnan, Sichuan, Guizhou (à adapter pour les régions plus froides) : 
- Avril à juillet : domestication des souches. 
- Mi-aoùt : fabrication des tubes "parent". 
- Courant septembre : première amplification en bouteille. 
- Courant octobre : deuxième amplification en sac. 
- A partir de mi-novembre : semis, mise en place d'un paillis végétal (paille, feuilles) ou d'un film plastique, puis des filets d'ombrage. 
- Mi-décembre : immersion dans l'eau puis mise en place des ENB. 
- Courant janvier : on enlève le film plastique posé au sol. 
- Courant février : immersion du sol, sortie des champignons.
- Mi-mars à mi-avril : récolte des morilles.

Une autre méthode (redondante, NDT) de production du semis est alors présentée : fin septembre - début octobre, des bouteilles sont remplies de blé trempé toute une nuit (50 g de blé sec par bouteille), auxquelles on ajoute un peu de terre et de sciure de bois. On mélange bien et on ferme avec du papier kraft et un élastique. On stérilise à 120°C pendant 2-3 heures, on inocule stérilement puis on cultive à 15-18°C pendant 20-30 jours jusqu'à formation des sclérotes qui seront alors plantés. On sème en novembre, à raison de 1 bouteille par m² à peu près. La méthode de semis est la suivante : on retourne la terre (au motoculteur, NDT), humide, puis on creuse des tranchées espacées de 1.5 mètre. Le mycélium est émietté sur la terre puis recouvert de 2-3 cm de terre rabattue depuis le bord des tranchées. On recouvre d'un paillage léger (feuilles, paille), d'un film plastique noir ou d'un filet d'ombrage (au contact du sol, NDT). Construire alors immédiatement la structure d'ombrage. Pour ceci, prévoir une armature (bambou ou métal) de 4 tranchées de large, 1.8 m de hauteur et pas plus de 50 mètres de long. Poser une seule couche de filet d'ombrage par dessus. Le prix par unité de surface de la structure est ensuite donné pour la Chine, je ne traduis pas (NDT). La terre est noyée à peu près 15 jours après semis, mais cette opération doit être rapide et suivie d'un bon drainage. On peut répéter cette opération tous les mois. Environ une semaine après cette immersion, la forme conidienne va couvrir le sol, c'est le moment pour placer les ENB. Des recettes et procédures de stérilisation redondantes sont données pour les ENB (NDT). A 10-15 °C, les ENB sont envahis de mycélium en environ 20 jours. Ceux-ci peuvent être enlevés après un mois (ça me paraît court, NDT) ou laissés en place jusqu'à récolte. La forme condienne finit par disparaître naturellement pendant la culture. La méthode d'arrosage par immersion des tranchées peut-être conduite de 1 à 3 fois pendant le cycle de culture mais ne convient pas comme méthode d'arrosage lors de l'apparition des ascocarpes. 

La qualité du sol ne doit être ni trop sableuse ni trop argileuse (la terre ne doit pas coller sous les pieds), afin d'avoir à la fois une bonne réserve en eau et une capacité à ressuyer rapidement. En général, un seul filet d'ombrage suffit et la température ne doit pas descendre sous 2°C (on rappelle que les souches locales sont adaptées à un climat subtropical, NDT). Suit un paragraphe de Feng Shui. Le texte aborde ensuite le problème des parasites sous serre, mais uniquement sous leur nom barbare, la traduction devient donc pénible (NDT). Un chapitre entier y sera consacré ensuite (NDT). On se reportera à la bibliographie scientifique pour retrouver les espèces (NDT). Ces parasites s'attrapent avec du papier jaune collant. Le livre s'attarde encore sur l'importance de la stérilisation aux différentes étapes de repiquage du mycélium. L'auteur revient sur la conservation des souches sur gélose : pas en dessous de -3°c et pas au dessus de 18°C. Idéalement, conservation 2 mois à 5-10°C et 3 mois à 2-3°C

Suit un texte philosophique sur la culture des morilles. D'après l'auteur, c'est la maîtrise historique de l'ombrage, de l'humidité et des ENB qui est la clef de la réussite. Suit une publicité pour les souches issues de l'Institut de Recherche sur les Champignons Comestibles de Mianyang où l'auteur rappelle que le stockage long terme des meilleures souches coûte très cher (aboule tes yuans camarade agriculteur, NDT). L'auteur propose cependant de but en blanc un nouveau milieux de culture (dont l'intérêt n'est pas expliqué, NDT) : 300 grammes de germes de soja bouillis 30 minutes pour en extraire le jus, 25 grammes de sucre, 25 grammes d'agar et compléter à 1000 mL avec de l'eau. Puis suivent deux pages d'informations redondantes sur les milieux de culture, les ENB et la stérilisation. Enfin l'auteur insiste sur l'intérêt de cultiver le mycélium dans des contenants ouverts car le champignon est aérobie, et d'éviter les accumulations d'eau au fond des contenants. Leur contenu doit donc soigneusement être égoutté avant stérilisation. La production importante de sclérotes en bocaux est un bon marqueur de la qualité de la souche. Les sclérotes ne sont produits que dans le noir. La composition des milieux d'amplification et la procédure de stérilisation sont encore une énième fois rappelés (ce doit être la cinquième fois, NDT).

Chapitre 3 : conduite de la culture des morilles (en plein champs)

La morille est un champignon psychrophile adapté aux régions à basses températures. La méthode adaptée est "plantation en automne, récolte au printemps". Dans le Sichuan, la morille est cultivée en alternance avec le riz, avec plantation d'octobre à décembre. Le mieux reste la plantation en novembre, avec adaptation éventuelle aux conditions météo. La plantation est possible tant que la température ne dépasse plus 20°C. Les températures basses sont importantes pour limiter la concurrence dans le sol. Après plantation le mycélium pousse puis dort dans la terre pour un long hiver et les ascocarpes émergent au printemps les uns après mes autres (oui c'est chiant, NDT).

Les morilles poussent bien dans un environnement sombre, humide, frais, et avec de l'air non stagnant, en particulier en présence d'un couvert végétal. Quel que soit le choix du terrain, naturellement ombragé ou avec des filets d'ombrage rajoutés, le terrain doit être localement plat et proche d'une source d'eau. Le sol doit être profond et meuble. Les semis (de morille, NDT) sont effectués un mois après la récolte du riz. La teneur en eau du sol à la plantation est idéalement de 50-60%, le pH est neutre, le champs est loin est loin des sources de pollution, des habitations et des animaux fouisseurs. La végétation locale peut être suffisante pour l'ombrage, sinon des filets devront être installés afin d'éviter l'ensoleillement direct.

Plusieurs types de terrains peuvent convenir mais le loam est le meilleur. Les sols sableux ou argileux posent des problèmes de gestion de la teneur en eau. La terre doit être profonde, à proximité d'une source d'eau et des accès routiers. Les sols plantés de riz ont l'avantage d'avoir une teneur en insectes parasites assez basses par rapport aux sols maintenus secs (peut-être un effet des traitements dérivés du DDT appliqués massivement en Chine sur le riz, NDT). La morille peut être cultivée en rotation avec le riz, avec une saison pour le riz puis une saison pour les morilles (oui, c'est du remplissage, NDT). Les sols plantés avec autre chose que le riz ne conviennent pas pour les morilles, nous tirons ça d'années d'expérience de terrain.

Il y a différentes manière de cultiver les morilles. Actuellement, la culture sous serre est majoritaire. Cette méthode est simple et peu onéreuse (en Chine, NDT). Pour construire la serre, faites comme suit : la structure peut-être en bambou, en tiges métalliques, ou dérivée de l'utilisation de la végétation locale. Après passage du motoculteur, les mottes doivent avoir une taille comprise entre celle d'un petit pois et d'une fève. La teneur en eau est idéalement de 50% pendant l'opération. Dans le champs, tracer des lignes tous les 1.2 mètres avec une corde et un marquage à la cendre, longueur illimitée. Aménagez un passe-pied de 30 cm de large puis des tranchée parallèles de 5 cm de profondeur et 10 cm de large à l'aide d'une houe. Ouvrez les sacs de mycélium, émiettez les dans les tranchées. L'inoculum doit être ni trop léger ni trop dense. S'il est est trop dense, il moisira facilement et sera attaqué par les insectes. Utilisez à peu près 750 g/m² d'inoculum (dosage de gros bourrin, voire bibliographie récente, NDT). Couvrez immédiatement de terre en rebouchant la tranchée. La terre doit recouvrir le mycélium de 1 à 5 cm et être bien plate. Les champignons naîtront au lieu d'implantation du mycélium. Après semis, construisez un abri d'ombrage ou couvrez avec un paillage de paille ou de feuilles pour maintenir le sol humide.

Une deuxième méthode de semis est décrite : on démarre d'un champs de riz bien plat. On commence à cultiver la morille après la récolte du riz, soit à partir d'octobre. Le champs est labouré au tracteur, ensemencé, puis labouré de nouveau au tracteur afin de mélanger terre et inoculum. Des bandes de 1.5 mètres de large avec des passe-pieds qui serviront aussi à l'irrigation sont aménagées. Les filets d'ombrage sont alors aménagés, avec une opacité de 90 à 95%, sur des tronçons de 50 mètres de long. Il est avantageux d'installer l'abri avant la plantation pour éviter de tasser la terre (merci de le dire maintenant, NDT). Ne jamais planter s'il y a un doute sur la pureté des souches. Passez le tracteur, semez, faites les passe-pieds, couvrez de paille ou d'un film plastique ou d'un filet d'ombrage (au contact du sol, NDT) afin d'éviter l'exposition du mycélium au vent et au soleil. Le paillage (naturel ou plastique) est particulièrement important dans les régions venteuses et sèches du Nord. Il est important de noter que ce paillage naturel ou plastique doit être retiré au bout d'un mois (je suppose que c'est plutôt un mois avant récolte, erreur possible... NDT), sinon il va empêcher la sortie des champignons.

Une troisième méthode est décrite : après le semis, une trancheuse peut être utilisée pour à la fois aménager les passe-pieds et recouvrir l'inoculum. Cette méthode est à la fois rapide et peu onéreuse pour les grandes surfaces. La texture du sol obtenue (grosse mottes contre l'inoculum et fines en surface) est de plus particulièrement bénéfique à la croissance de l'inoculum. Le semis peut même être effectué en passant directement la trancheuse sur l'inoculum répandu au sol. 750 g/m² d'inoculum sont utilisé et il faut recouvrir de 1 à 5 cm de terre (déjà dit, NDT). Bien niveler la terre et couvrir rapidement de paille, feuilles ou d'un filet d'ombrage au contact du sol. Pour les zones venteuses, froides et sèches du nord, le semis doit être couvert de paille ou de feuilles, d'un film plastique perforé ou d'un filet d'ombrage à même le sol (on a bien compris, NDT). 

Quand la forme conidienne est bien visible, après 25 à 30 jours, placer des ENB tous les 50 cm et recouvrir de nouveau avec un filet d'ombrage. La forme conidienne va alors bien se développer autour des sacs. Ceci est particulièrement utile pour les zones venteuses et arides. Suivent des photos où l'on voit effectivement les filets d'ombrage au contact du sol et sur le toit des serres en même temps (NDT).

Afin de maintenir l'humidité de la surface du sol, un équipement de micro-pulvérisation peut être installé là où les conditions le permettent. Il faut noter que la présence de paillage lors de la sortie des champignon peut les endommager. Les feuilles peuvent quant à elles être emportées par le vent. Le meilleur paillage reste donc le filet d'ombrage posé directement sur le sol.

Ce qu'il ne faut/ne faut pas faire : (1) sol trop sec à la plantation (2) planter un mycélium trop faible (3) Pas de sclérotes, pas de plantation (4) Inoculum trop vieux, inoculum douteux (la rime est de moi, NDT) (5) Souches exposées à une températures élevées égal souches cramées (idem, NDT) (6) jamais de plantation au dessus de 22°C ou en dessous de 0°C (7) Se lancer dans la culture sans source d'eau (8) Planter en terrain escarpé (9) Planter sans réfléchir avant (10) Ajouter trop de sable à la terre (11) Planter par sol trop humide ou trop sec (12) Planter en sol trop drainant ou hydromorphe (13) Pas trop d'insectes sur le sol (14) Planter dans une serre trop confinée (15) Planter dans une serre mal gérée thermiquement et hydriquement (16) Bullshit feng shui (17) Bullshit feng shui (18) Pendant la levée des champignons, maintenir obligatoirement la serre entre 12 et 18°C (19) Plantation en novembre et récolte en mars (20) Les morilles sortent en mars-avril et doivent être récoltées au bon niveau de maturité.

Après la levée des morilles, la gestion de la température et de l'humidité est cruciale. Le rendement est très dépendant de ces deux paramètres. La gestion de l'air, de la lumière, de la température, de l'humidité et des ravageurs est importante. 

(1) Le mycélium peut certes croître entre 3 et 22°C, mais il doit surtout croître en dessous de 20°C. Le mieux est entre 12 et 18°C (15°C, NDT). Le mycélium peut tolérer des basses températures, jusque -20°C, ce qui stoppera simplement sa croissance. Par contre, s'il pousse à plus de 25°C, sa dégénérescence sera très rapide. Il faut donc planter en hiver, à des températures maximales en dessous de 20°C. La culture dans le Sichuan est idéalement lancée en novembre, mais elle peut s'échelonner de octobre à décembre. Suit un graphe dessiné à la main qui rappelle ces informations (NDT). Les températures requises pour la formation des primordiums et la croissance des ascocarpes sont globalement similaires. La meilleure température est 18°C, mais la fourchette 12-15°C convient. A température trop basse, le fruit se développe lentement mais devient grand et la chair épaisse (je vois pas le problème, NDT). En conditions naturelles, la serre peut être utilisée pour contrôler la température. En dessous de 0°C, elle peut être isolée. Si elle est trop chaude, on peut la ventiler. Le contrôle de la température est la clef des bons rendements.

(2) L'humidité est très importante. Il faut toujours maintenir une humidité optimale du sol pour le mycélium et contrer l'évaporation en milieu sec. Lors de la colonisation du mycélium, l'humidité doit être maintenue avec un paillis ou un film plastique perforé. Si le sommet des mottes sèche, il est toujours possible d'utiliser de l'eau en spray pour corriger l'humidité. Suit un graphique dessiné à la main intraduisible (NDT). Après avoir semé le mycélium, observer s'il faut faire un arrosage par immersion en fonction de l'humidité du sol. La méthode par inondation consiste à saturer la terre en faisant couler de l'eau par les passe-pieds puis à drainer immédiatement. 10 jours après immersion dans l'eau, le mycélium va former des conidies à la surface du sol. Après trois semaine, les conidies commencent à disparaître. Si le sol est encore sec, une deuxième immersion peut être effectuée, relançant la formation de conidies. Si la zone est sèche, elle est généralement immergée dans l'eau tous les deux mois. Après trois mois et trois immersions (incohérent, NDT), la période de récolte des morille est arrivée car la température dépasse 10°C. La dernière immersion doit avoir lieu 15 jours avant l'émergence des ascocarpes, et si possible pendant une période chaude (18-20°C) pour stimuler l'émergence des ascocarpes. Dès que les primordiums se forment, la gestion de l'humidité devient critique, et une micro-pulvérisation peut-être effectuée pour maintenir une humidité relative de 85 à 95% dans l'air. Un environnement humide, sombre et à basse température est idéal pendant toute la phase de croissance des morilles (la fameuse "moiteur fraîche" recommandée par le Baron d'Yvoire en... 1883, NDT). 

(3) Les exigences d'éclairage sont en revanche moins strictes. La croissance des ascocarpes demande une certaine quantité de lumière. Le noir total ou la lumière directe du soleil ne conviennent pas. Par conséquent, paillis et filets d'ombrage doivent être retirés en période de croissance (C'est subtil, faut de la lumière mais pas trop, NDT). Suit un graphe fait à la main indiquant que la croissance du mycélium diminue à partir de 500-600 lux, qui est en revanche la fourchette optimale de croissance pour les ascocarpes. Pour rappel, le soleil direct à midi représente 120000 lux, un ciel nuageux à midi entre 10000 et 25000 lux, un lever ou coucher de soleil 400 lux, un ciel très nuageux moins de 200 lux (NDT). 500 lux correspondent à peu près à l'éclairage artificiel d'une salle à manger. L'ombrage doit donc être tout le temps important, de l'ordre de 80% minimum, idéalement sans soleil direct sur les filets (NDT). La culture des morilles doit donc être faite sous ombre artificielle pour empêcher l'exposition au soleil car les jeunes ascocarpes ont une vitalité très faible. Ils ne résistent pas aux vents forts, à l'exposition au soleil, aux attaques de froid, et nécessitent une protection artificielle.

(4) La culture des morilles demande un environnement sans pollution olfactive, sans poussières, sans pesticides et sans radioactivité (c'est toujours bien de préciser, NDT). La croissance des morilles est comme celle des autres champignons comestible, elle demande une certaine aération. L'utilisation de serres en plastique fermées ne peut pas répondre en besoin en air pour la croissance des morilles. Le manque d'air affecte la croissance normale du champignon. Les serres en plastique doivent donc être ouvertes et ventilées naturellement. Suit un graphique dessiné à la main montrant qu'au delà de 0.3% de CO2, (3000 ppm), la croissance du mycélium et des ascocarpes est impossible. Je doute que cette valeur ait été réellement mesurée, elle est publiée dans de nombreux livres traitant de la croissance des champignons saprophytes depuis les années 80, mais uniquement concernant les corps fructifères, le mycélium s'accomodant de valeurs beaucoup plus hautes (NDT) A l'émergence des morilles, il ne vaut mieux pas visiter les serres. La respiration des gens peut avoir un impact sur les morilles, ce qui peut ralentir leur croissance et même les faire mourir (une simple règle de 3 montre que c'est du gros bullshit, par contre l'ouverture des serres créée des variations d’humidité, NDT).

(5) Les morilles poussent bien dans un sol neutre. Les valeurs de pH du sol peuvent être comprises entre 6.0 et 9.5, mais de préférence entre 6.0 et 7.5. En dessous de 3 et au dessus de 10, la culture est impossible (je ne savais même pas que c'était possible, NDT). Pendant la culture, n'ajouter aucun entrant destiné à corriger le pH du sol. Suit un graphique dessiné à la main qui reprend ces informations. 

Stimuler la formation des primordiums et réduite leur taux de mortalité est la clef de la culture artificielle. Les différentes souches, types de sol, et historiques de culture auront des effets spécifiques sur le résultat. Il n'y a pas de recette miracle pour maintenir en vie les primordiums, mais ceux-ci ont toujours un taux de mortalité élevé. Les primordiums sont délicats et ont des besoins strictes en matière de température, humidité et luminosité. Ceux-ci ne doivent jamais être arrosés. Ils ne poussent pas si les serres sont visitées. Lorsque la morille fait 2 mm de diamètre, il est important de ne pas visiter les serres.

La morille est un champignon très nutritif, elle attire de fait de nombreux ravageurs. Elle peut être infectée par des moisissures vertes, aspergillus, trichoderme, etc. Ceci est essentiellement du à un défaut de stérilisation des milieux de culture pour l’amplification. Hormis ça, le mycélium de morille cultivé dans des bonnes conditions se développe plus rapidement que ces parasites bactériens ou fongiques. Par contre toute culture contaminée doit être éliminée.

La morille peut aussi et surtout être infectée par des insectes ravageurs. Les principaux ravageurs sont les acariens, asticots, nématodes, etc. Le taux de reproduction de ces ravageurs peut être tel qu'une culture est potentiellement dévorée en 7-10 jours. L'absence de pousse sur un site de culture peut être due à ces ravageurs. Mieux vaut miser sur la prévention. La liste des principaux ravageurs est abordée.

(1) Collemboles. Ces insectes sont trouvés dans les endroits sombres et l'humus. Ce sont des insectes des régions tempérées et polaires. Les adultes ont la particularité de sauter. Suit une longue description des différents types de collemboles observés en Chine, et il y a une tripotée (NDT). Les collemboles se nourrissent de matière en décomposition et de champignons. Ils s'attaquent à tous les stades de culture des morilles. Ne semez pas si vous les observez en abondance dans un champs. Ils pullulent de 18 à 28°C. Il est conseillé de pulvériser des pesticides en préventif 7-10 jours avant semis (le bio à la chinoise, NDT). Un des pesticide s'appelle "la mort jusqu'au bout" (NDT). Le diclorvos est également recommandé. Suit une liste de conseils pour faire des tambouilles pulvérisables avec différents organochlorés et organophopshorés interdits en Europe. 

(2) Mouche du champignon. Le danger des mouches de champignon vient des larves qui mangent toutes les parties des ascocarpes. Si elles ne sont pas récoltées et séchées à temps, les morilles pourront être dévorées par les larves. 

(3) Limaces. Les limaces aiment se développer dans l'environnement sombre et humide des serres. Une limace peut endommager 2 à 3 morille par jour. La prévention est la meilleures méthode pour éviter les limaces. Après le semis, autour des serres, de la chaux ou de la cendre peut être répandue. Une limace est active principalement la nuit et peut parcourir 100 mètres par jour. L'enlèvement manuel est une option efficace.

(4) Nématodes. Attaquent la culture essentiellement au stade mycélium. Invasion très difficile à éradiquer une fois installée.

(5) Moisissures et bactéries. Attaquent essentiellement les pots et sacs stérilisés. Apprendre à les reconnaître permet une éradication rapide des lots de mycélium contaminées.

(6) Mauvaises herbes. Il est conseillé d'utiliser des herbicides pour éliminer les herbes concurrentes poussant à basse température. Les mauvaises herbes rendent également le ramassage plus compliqué. Les recherches sont actives pour trouver des herbicides le moins toxique pour les morilles. L'usage du paraquat est conseillé. La couverture du sol avec paillage plastique pendant l'hiver reste la mesure la plus efficace.

Les parasites sont globalement très fréquents après la culture de légumes et proche des activités d'élevage agricoles. La culture à basse température limite considérablement la présence des ravageurs. Le stockage des souches à plus de 28°C doit absolument être évité, de même que les repiquages successifs et le stockage prolongé. Suit un rappel des bonnes pratiques de culture : bonnes souches peu repiquées, stockées moins de 40 jours, bonne stérilisation des milieux de culture, température basse et humidité appropriée, sol bien pulvérisé avec herbicides et insecticides (! NDT). Suit une recette ignoble indiquée pour la stérilisation du sol avant plantation du mycélium (un mélange d'insecticides et de bactéricides en mélange à pulvériser, NDT). Il est tout de même conseillé de ne pas utiliser n'importe quoi comme insecticides, juste la cypermethrine, le diclorvos, le trichlorfon et le toxacarbe (rien que ça !, NDT). Le bio à la chinoise c'est donc insecticides avant, herbicides après, ou l'inverse, mais pas pendant la culture (NDT). Au moins un argument fort pour lancer une filière de production en France !

Chapitre 4 : conduite de la récolte des morilles

Après le semis des morilles, la culture dure 3 à 4 mois puis la récolte 7 à 15 jours. Dans le Sichuan, la plantation est faite mi-novembre et la récolte à la mi-mars de l'année suivante. Le signal de d'apparition des primordiums est une température dépassant 10°C pendant 15 jours. Une fois semé, le mycélium se développera rapidement dans le sol. Le mycélium peut arriver dans la couche supérieure du sol en 15 jours. Avec une humidité suffisante, la forme conidienne apparaît puis disparaît peu à peu après 15 jours. Le mycélium reste toujours présent dans le sol sous une forme peu visible. C'est le moment le plus inquiétant de la culture et c'est aussi un moment critique pour la transformation du mycélium. Au printemps, entre 12 et 15°C les ascocarpes commencent à émerger. Il faut alors limiter au maximum les visites des serres pour ne pas perturber leur développement. A ce stade, tout manque d'humidité est critique. Le vent, l'ensoleillement, la pluie et le gel les font avorter à un stade précoce. Les variations de température ou d'humidité sont également à éviter. Grâce à une gestion rigoureuse, la morille grandit progressivement et grandit de jours en jours. Certains ascocarpes sont solitaires, tandis que d’autres sont reliés en grappes par le pieds. La pleine période de croissance est typiquement entre le 20 mars et le 20 avril. La température optimale est alors de 15-18°C. La morille grandit et mûrit en 7 à 15 jours. Le niveau de maturité se distingue en fonction de la couleur des ascocarpes. 

Les morilles mûres peuvent êtres mise délicatement dans un panier, en faisant attention de na pas déranger les jeunes morilles autour. Les morilles sortent en 2-3 poussées. Si la température dépasse 22°C, il faut être particulièrement vigilant sur la rapidité de la cueillette. Le transport et les secousses peuvent endommager les morilles. 

Après la récolte, il est conseillé de sécher les morilles. Le séchage au soleil en deux jours est possible. Dans le cas d'un séchoir, la température de séchage doit être fixée à 60-65°C (non, c'est un crime, 40°C maximum ! NDT), et le séchage est fini en deux heures. Les morilles séchées sont de très bonne qualité (je confirme, c'est meilleur, NDT). Après séchage, elles sont scellées dans un sac plastique pour éviter la ré-humidification et les moisissures. 

La surgélation est également possible, en nettoyant bien les champignons et les classant par qualité avant. Le rinçage peut être fait à l'eau salée à 2% (pour éviter le gonflement je suppose, NDT) et doit être le plus court possible. La surgélation doit être effectuée à -30 -40°C. Trop rapide, le produit perd en qualité, trop long, les morilles se dessèchent. Le stockage est fait ensuite à -18°C.en cartons de 8-10 kg. Les morilles ne doivent pas être collées les unes aux autres. 

Suit un descriptif des différents calibres de qualité en Chine, je ne traduit pas (NDT). A température ambiante, les morilles séchées sont sujettes à la moisissure (La Chine est très humide, NDT). Elles doivent être exposées au soleil ou étuvées avant d'être mise dans un contenant hermétique. Les morilles ainsi emballées peuvent être conservées à basse température ou sous vide. On peut également les conserver fraîches au sel directement dans un seau en plastique.

Méthode préférée des étrangers pour manger la morille, c'est une tuerie (c'est vraiment écrit comme ça, NDT) : 500 mL de lait frais, 500 mL de crème fraîche, 50 gramme de beurre (petits joueurs, NDT), sel et poivre. Après avoir trempé les morilles, versez les dans la casserole, ajouter la crème et le lait et chauffer à ébullition. Lorsque la crème change de couleur, baisser le feu au maximum. Ajouter beurre, sel et poivre puis laisser cuire 10 à 20 minutes. Autre recette crémeuse : prenez 1 kg de morilles (là on va s'entendre ! NDR). Faire fondre le beurre à feu doux, verser les morilles puis 500 g de crème et sel et poivre, puis laisser cuire 15 minutes... Bon je retourne à mes croûtes aux morilles finalement, NDT). Je passe sur la traduction des autres recettes qui sont une insulte à la morille (NDT). Ces recettes sont finalement aussi approximatives que le reste du livre (NDT).

Chapitre 5 : images d'illustration

Le chapitre commence par une étude technico-économique de la culture de la morille en Chine et une analyse de marché (rapide hein, une page NDT), puis une espèce de tableau de manip fake au possible prouvant que les recherches datent bien de 1985 (qui en doute franchement à part moi, NDT). Suivent des photographies redondantes (jeunes filles et morilles, morilles et jeunes filles) ou nouvelles par rapport aux chapitres précédents et une galerie des horreurs des contaminants bactériens, mouches de champignon, vermisseaux et autres limaçons attaquant les morilles, plutôt exhaustive pour le coup. Ensuite des photos innombrables de la jeunesse de l'auteur en train de cultiver tout sauf des morilles.

Chapitre 6 : historique du développement du procédé de culture

Mégalomanie, réécriture de l'histoire et infos redondantes pour faire du remplissage, style roman national, ampoulé au possible, écrit à la troisième personne... Je ne traduit pas dans le détail, rien de passionnant (NDT). Zhu Douxi rappelle les trois paramètres clefs de la culture : sélection intensive des souches, ENB et immersion ponctuelle des cultures. Les morilles de culture ont une valeur marchande supérieure à celles des morilles de cueillette de par leur aspect parfait et leur goût identique en tous points. L'auteur rappelle la découverte "accidentelle" du rôle des ENB avec une anecdote douteuse (renversement "accidentel" de sacs d'inoculums par des ouvriers), méthode qui diffère beaucoup du procédé actuel copiant totalement le brevet Ower (ENB stériles), puis sa découverte "accidentelle" du noyage des cultures 20 jours avant la récolte, qui figure également dans le brevet Ower de 1986. Le noyage des semis doit donc au moins être effectué comme étape finale de la culture (ce qui n'était pas totalement clair dans le reste du livre, NDT). Je rappelle pour mémoire la revendication 3 du brevet US4757640A de 1986 écrit par Ower : "A method according to claim 1 wherein said mycelia are induced to the sexual reproductive cycle through the deprivation of exogenous nutrients and by exposure to high amounts of water." (NDT). D'autres précisions sont apportées : le filet d'ombrage pendant la récolte doit avoir 90 à 95% d'opacité pour que l'éclairage soit compris entre 300 et 500 lux (moins qu’annoncé précédemment au chapitre 3, enfin une information qui ne figure pas dans le brevet Ower, mais seulement dans le "Growing Gourmet and Medicinal Mushrooms, third edition" de Stamets publié en 2000..., Stamets tirant cette valeur du procédé hors sol développé en 1982, NDT). Le transfert de la technologie à la France en 2010 à un Mr Christopher et sa société "France mushroom development company" est évoqué. J'ai recherché sur internet, je ne trouve aucune trace de cette entreprise, ni de ce Mr Christopher, à croire que ce transfert n'a pas été un succès. Je ne vois par ailleurs pas ce qui a pu être transféré vu qu'aucun brevet ne protège la méthode (NDT).

Annexes

De la pub pour l'Institut de Recherche sur les Champignons Comestibles de Mianyang, un wall of fame de prix ronflants à la Big Lebowsky, des photos avec des occidentaux pour faire plus serious (une habitude en Chine, le top c'est avec des Américains, là hélas ce ne sont que des Français faute de mieux, NDT). On comprend bien ici l'appétence manifeste de Zhu Douxi pour les titres creux, la récupération du travail d'autrui et la sur-exposition médiatique (NDT).

Conclusions du traducteur

Ce livre valait-il ses 380 Yuans, prix des bons ouvrages américains de référence ? Avis mitigé. Ce livre, avec un effort d'édition, aurait pu tenir facilement en 50 pages, bibliographie, synthèse et images pertinentes comprises. Un minimum de recherches bibliographiques, d'honnêteté intellectuelle et de mise en perspective aurait rendu ce livre formidable. Le résultat est juste incroyablement paresseux. La mauvaise foi et la mégalomanie de l'auteur sont tout à fait superflues dans ce livre qui est déjà beaucoup trop long. Beaucoup de verbiage inutile, d'informations redondantes et d'images peu pertinentes ou mal placées. Aucune ébauche de démarche intellectuelle. On ne comprends finalement jamais quelle a été la méthodologie d'optimisation utilisée dans la mesure ou la mégalomanie de l'auteur l’empêche d'être honnête avec ses échecs (ou ses sources d'inspiration). Je m'attendais à enfin connaître la stratégie de sélection des souches et au final c'est encore le pifomètre qui prédomine. Cette recette de culture est donc intéressante comme point de départ mais clairement, il doit être possible de faire beaucoup mieux (ou moins cher) avec un peu de recherche fondamentale et de méthodologie. C'est semble-t-il la voie empruntée par les agriculteurs et scientifiques chinois qui proposent et essayent de nombreuses variations de cette recette qui fonctionnent au moins aussi bien. Tout est finalement résumé dans le projet de brevet protégeant cette méthode (Legal Status : discontinuation) qui a été dénoncé depuis et n'existe plus légalement. La méthode chinoise de culture des morilles de Zhu Douxi n'est donc pas brevetée.

Qu'avons nous appris d'important finalement ? La culture et le semis de l'inoculum doivent être faits à froid (une surprise me concernant, mais qui corrobore finalement tous mes échecs de culture, rétrospectivement), l'arrosage est fait par capillarité sans que l'on sache pourquoi (je suppose que c'est pour ne pas tasser le sol, mais est-ce que d'autres méthodes fonctionnent, comme tout simplement des tuyaux micro-poreux par exemple ?), la souche peut-être isolée de n'importe quelle partie d'une morille (Séchée aussi ? On ne saura pas), mais doit être neuve, l'inoculum doit être peu repiqué, conservé à froid et utilisé rapidement. Les ascocarpes poussent idéalement entre 300 et 600 lux, en atmosphère saturée, ce qui pour le coup est la seule info un peu originale (enfin en étant pas trop exigeant non plus). Le mycélium tolère quant à lui le noir complet. Les milieux d'isolement, d'amplification et les ENB ont des compositions assez basiques, non brevetables. Leur utilisation même n'est pas brevetable. La méthode dans son ensemble n'est pas brevetable. Reste-t-il des secrets concernant la méthode non révélés dans ce livre ? Un seul mais de taille : la méthode marche mais l'auteur lui-même ne sait pas pourquoi. 

Je considère à titre personnel l'auteur comme un margoulin s'étant en partie attribué le travail d'autrui. La part réelle de l'apport de Zhou Douxi dans la recherche sur la culture des morilles en plein champs est malheureusement impossible à déterminer dans la mesure où 1. Il existe toujours une antériorité publiée à toutes ses "découvertes" et "brevets" 2. Zhou Douxi nie publiquement ces antériorités mais prouve sa malhonnêteté intellectuelle en les citant tout de même sous la pression de l'office chinois des brevets 3. Il n'existe aucune preuve tangible que Zhou Douxi ait réussi la culture des morilles aux dates annoncées dans son livre vu qu'il ne publie rien dans la littérature scientifique, contrairement à nombre de ses collègues chinois. Les seuls clichés non récents de Zhou Douxi le montrent en train de cultiver tout sauf des morilles (le premier cliché "probant" date de 2000).

La méthode chinoise de culture des morilles en plein champs est donc probablement un travail collégial, non brevetable car fortement inspiré de brevets américains et copiable par n'importe qui dans le monde. 

Vous souhaitez consulter le document original en mandarin ? C'est par ici. Après il n'y a malheureusement rien d'autre à apprendre que ce qui a été traduit ici. Bon, il reste juste les illustrations des français se faisant entuber par Zhou Douxi (qui ne cache même pas sa jubilation sur les photos) qui valent le détour. Dommage que leur nom soit négligemment traduit par la petite main qui a écrit le livre, ils auraient pu entrer dans l'histoire du "casse du siècle" dans le monde de la morille. 

Vous partez sur une île déserte et aimez voyager léger ? Voici une synthèse en trois pages de la méthode : Résumé de la méthode chinoise de culture des morilles.