Cet article est un résumé de la bibliographie scientifique historique sur la culture des morilles
Cette page a pour but de présenter les articles historiques en français sur la culture des morilles, tirés de Gallica, du site du Muséum d'Histoire Naturelles de Paris et de diverses autres sources publiques qui sont indiquées dans le document en pièce jointe. La première partie traitera de la bibliographie entre 1872 et 1968, qui représente typiquement un volet de la science assez empirique. Le lecteur y trouvera le célèbre article du Baron d'Yvoire qui est très souvent cité mais jamais sous sa forme originale de la Revue des Sciences Naturelles Appliquées, ainsi qu'un rare article de J. Costantin relatant la méthode de Marin Molliard de culture des morilles, la truculente histoire du genre Costantinella, forme conidienne de la morille, suivi de la première photographie d'une morille de culture, prise probablement après 1905, mais antérieure à 1936.
Les articles présentés sur cette page sont susceptibles d'être mis à jour au fur et à mesure, même si la recherche effectuée sur cette période est assez exhaustive (au moins en français). Certains textes sont irrémédiablement perdus car jamais numérisés, comme certains écrits de Matruchot sur la morille... à moins qu'ils ne réapparaissent un jour d'un grenier ou d'une remise.
La profusion de sources françaises dans les tous débuts de la littérature scientifique sur les morilles montre la fascination qu'exerce depuis toujours ce champignon dans notre pays. Au début du siècle, l'Académie des Sciences elle-même s'intéresse à la culture des morille. On constatera également que les bonimenteurs et autres vendeurs de recettes miracles exerçaient déjà leur art à l'époque.
Faits marquants
- La morille présente dans son cycle de vie une forme conidienne, nommée Costantinella cristata Matruchot, de fonction inconnue car apparemment stérile et d'apparition saisonnière (janvier), exacerbée en atmosphère sèche et à l'ombre. Cette forme a été identifiée initialement comme un critère de détection fiable de la présence du mycélium de morille dans la nature puis reliée de manière définitive au genre Morchella par une série d'expérimentations en milieu semi-contrôlé. Les sclérotes de morilles, forme probable de résistance au froid et de vernalisation, semblent pousser également selon une influence saisonnière (maximum de croissance à partir de février chez Molliard). Molliard considère les sclérotes formés in vitro comme des ébauches avortées d'ascocarpes, belle intuition pour l'époque.
- La culture du mycélium de morille, que ce soit à partir de spores ou par bouturage de fragments du champignon ou de fragments d'appareil conidien est d'une facilité déconcertante sur milieux artificiels. La germination des spores de morilles en milieu artificiel glucosé est reportée comme aisée et rapide, alors que la germination des conidies s'est révélée totalement impossible.
- La culture du mycélium de morille, que ce soit à partir de spores ou par bouturage de fragments du champignon ou de fragments d'appareil conidien est d'une facilité déconcertante sur milieux artificiels. La germination des spores de morilles en milieu artificiel glucosé est reportée comme aisée et rapide, alors que la germination des conidies s'est révélée totalement impossible.
- La méthode de culture des morilles du Baron d'Yvoire consiste à jeter sur le sol des morilles fraîches au printemps puis à répandre du marc de pomme en automne sur les places ainsi inoculées. Le terrain est maintenu cultivé et frais en été. Cette méthode très ancienne (1889) reste toujours en 2019 cohérente avec les découvertes récentes sur le cycle de vie des morilles : germination naturelle des spores au printemps, déphasage temporel de l'inoculation du sol et de l'apport de carbone, association pérenne avec des racines d'astéracées, utilisation de la diversité génétique des spores pour éviter la sélection d'une souche de mauvaise qualité, etc. Le rendement de production annoncé est de 500 g/(m².an), soit 5 tonnes/(hectare.an). Pour l'anecdote, la première occurrence de l'histoire du banquet de pompiers qui jettent leurs trognons de pomme, entraînant une pousse de morilles, reprise plusieurs fois dans la littérature sans citation, est créditée du Baron d'Yvoire. Plus j'avance dans mes lectures sur la biologie du genre Morchella, plus cette méthode me paraît intéressante. De source bien informée, je sais que cette méthode de culture des morilles n'a cependant pas survécu au Baron d'Yvoire (elle n'a jamais été poursuivie par la famille, quelle qu'en soit la raison).
- La méthode de culture des morilles de Marin Molliard (entre 1905 et 1936) consiste à enfouir des pommes et des vieux papiers dans des meules recouvertes de terre. Le mode d'inoculation n'est pas précisé et il est probable que des souches sauvages soient ici cultivées plutôt que les souches pures prétendument utilisées. L'espèce cultivée serait Morchella esculenta (d'après Molliard) ou Morchella hortensis (d'après Costantin) là où je ne vois qu'un possible représentant du clade elata... Ceci illustre bien le flou artistique total autour de la détermination des espèces de morilles. Il manque à la description de la méthode le détail crucial du lieu de pousse des morilles par rapport aux buttes. Le rendement annoncé, de l'ordre de 350 g/(m².an), soit 3.5 tonnes/(hectare.an) est considéré comme non viable industriellement. De manière surprenante, cette méthode est reportée de seconde main par J. Costantin et non pas par M. Molliard en personne. Je suppose que Molliard était suffisamment malicieux pour laisser son nom traverser l'histoire sur la base d'un témoignage de seconde main plutôt que sur la publication des résultats aléatoires obtenus. Molliard n'avait de toute façon plus rien à prouver étant donné sa carrière scientifique exemplaire. J'espère au moins redonner à cette méthode et à ces auteurs la visibilité historique qu'ils méritent.
- La méthode de culture des morilles de Marin Molliard (entre 1905 et 1936) consiste à enfouir des pommes et des vieux papiers dans des meules recouvertes de terre. Le mode d'inoculation n'est pas précisé et il est probable que des souches sauvages soient ici cultivées plutôt que les souches pures prétendument utilisées. L'espèce cultivée serait Morchella esculenta (d'après Molliard) ou Morchella hortensis (d'après Costantin) là où je ne vois qu'un possible représentant du clade elata... Ceci illustre bien le flou artistique total autour de la détermination des espèces de morilles. Il manque à la description de la méthode le détail crucial du lieu de pousse des morilles par rapport aux buttes. Le rendement annoncé, de l'ordre de 350 g/(m².an), soit 3.5 tonnes/(hectare.an) est considéré comme non viable industriellement. De manière surprenante, cette méthode est reportée de seconde main par J. Costantin et non pas par M. Molliard en personne. Je suppose que Molliard était suffisamment malicieux pour laisser son nom traverser l'histoire sur la base d'un témoignage de seconde main plutôt que sur la publication des résultats aléatoires obtenus. Molliard n'avait de toute façon plus rien à prouver étant donné sa carrière scientifique exemplaire. J'espère au moins redonner à cette méthode et à ces auteurs la visibilité historique qu'ils méritent.
- Le statut parasite et/ou saprophyte de la morille est déjà observé et discuté. Le fait que la présence de calcium est critique est également reporté. L'intérêt du papier (et des dérivés cellulosiques) et de l'amidon comme source de carbone pour la culture, de même que des pommes, est déjà connu. La sur-représentation du rôle des pommes dans la culture des morilles est pour moi due à la coïncidence fortuite de la période où les pommes tombent au sol (mi-septembre/mi-octobre) avec la saison optimale de formation des sclérotes. Les pommes n'ont en soi aucune particularité chimique par rapport à d'autres fruits qui permette d'expliquer leur rôle supposément décisif. Inversement, aucune autre source de sucre n'est naturellement disponible en abondance à cette époque, à part la sève élaborée qui circule dans les racines. Les tapis de feuilles mortes se constituent bien trop tard (premières gelées) et sont une manne trop diffuse pour constituer une source de carbone acceptable (ce n'est ici que mon avis de ramasseur de morilles).
- La morille est reconnue comme associée fréquemment aux racines d'Astéracées (artichauts, topinambours, etc.) et aux racines d'Oléacées (frênes, lilas, oliviers, troènes, etc.), mais pas exclusivement. Les rosacées (pommiers, cerisiers) sont aussi souvent citées. Aucune preuve scientifique réelle (autre que des observations empiriques et des suppositions : sève sucrée, présence d'inuline, etc.) ne vient justifier ces associations en particulier.
- Je mets à part de cette série d'articles la méthode de culture de L. Geslin dans la mesure où son rendement totalement faramineux (plus de 3 kg par mètre carré) et son mode opératoire (quasi-identique à la culture du champignon de couche) rendent cette méthode extrêmement douteuse. Je me demande s'il n'y a pas confusion avec une autre espèce (peu crédible), pousse spontanée n'ayant rien à voir avec la méthode décrite, ou simple canular. En tout cas la méthode en est restée là depuis près de 150 ans et sa description est trop peu pertinente pour conclure quoi que ce soit.
- Dans la même veine, l'article de Repin de 1901 me paraît faible méthodologiquement, au moins sur la partie revendiquant la culture maîtrisée d'ascocarpes. Je serais tenté de l'écarter aussi de la bibliographie, même s'il est très (trop) souvent cité. C'est néanmoins la première occurrence de citation de la forme conidienne de la morille, antérieure de 3 ans à Molliard. Molliard et Repin semblaient en concurrence (et pas vraiment copains comme cochons) concernant les découvertes sur la culture des morilles.
Pour approfondir c'est par ici : Histoire ancienne de la culture des morilles
La plupart des articles sont issu de Gallica, de la Bibliothèque du Muséum d'Histoire Naturelle, ou encore de sources internet. Tous sont trouvables en fouillant un peu.
Je répondrai volontier à toute question ou demande de source dans les commentaires, dans les limites de mes compétences.
Eug. Robert. Relation entre la famille des oléinées et les morilles, Bulletin de la Société Botanique de France, 12:5, 244-246, (1865) DOI: 10.1080/00378941.1865.10825017
L. Geslin. Culture de la morille. Journal d'Agriculture Pratique, tome 1, 1872, page 735-736.
R. Falck. Wege zur Kultur der Morchelarten. Der Pilz- und Kräuterfreund 3 : 211-223, 247-255 (1920).
Prochain article : histoire récente de la culture des morilles (1982-20XX)
Je répondrai volontier à toute question ou demande de source dans les commentaires, dans les limites de mes compétences.
Bibliographie presque exhaustive par ordre chronologique :
L. Geslin. Culture de la morille. Journal d'Agriculture Pratique, tome 1, 1872, page 735-736.
Ad. Chatin. Sur la culture de la
morille. Bulletin de la société Botanique de France, tome 19, séance du 5
janvier 1872, pages 129-130.
E. Roze (1883) Le Parasitisme du
Morchella Esculenta Pers. Sur L'Helianthus Tuberosus L,
Bulletin de la Société Botanique de France, 30:3, 139-143. https://doi.org/10.1080/00378941.1883.10828175
M. le Baron d'Yvoire. La morille - Procédé de
culture potagère applicable à tous les jardins. Revue des Sciences Naturelles
Appliquées, bulletin bimensuel de la Société Nationale d'Acclimatation de
France, tome 1 , 5 janvier 1889, 1er semestre, pages 18-26.
Ch. Repin. La culture de la
morille. Revue Générale des Sciences Pures et Appliquées, tome 12, 15 juillet
1901.
M. Molliard. Forme conidienne et
sclérotes de Morchella esculenta. Revue Générale de Botanique, tome 16, 1904,
pages 209-219.
M. Molliard. Production
expérimentale de l'appareil ascoporé de la morille. Comptes rendus
hebdomadaires des séances de l'Académie des Sciences, tome 140, séance du 25
avril 1905, pages 1147-1148.
G. Fron. Sur les conditions du
développement du mycélium de la morille. Comptes rendus hebdomadaires des
séances de l'Académie des Sciences, tome 140, séance du 1er mai 1905, pages
1188-1189.
Ch. Repin. La culture de la
morille. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des Sciences,
tome 140, séance du 8 mai 1905, pages 1274-1275.
L. Matruchot. Sur le mode de
végétation de la morille. Comptes rendus hebdomadaires des séances de
l'Académie des Sciences, tome 147, séance du 24 août 1908, pages 431-432.
R. Falck. Wege zur Kultur der Morchelarten. Der Pilz- und Kräuterfreund 3 : 211-223, 247-255 (1920).
J. Costantin. La culture de la
morille et sa forme conidienne. Annales des Sciences Naturelles - Botanique.
10ème série, tome 18, 1936, pages 111-129.
R. Heim. La culture des
morilles. Supplément à la Revue de Mycologie, tome 1, numéros 1 et 2, 1936.
R. Cailleux. Peut-on cultiver la
morille ? Supplément à la Revue de Mycologie, tome 33, fascicule 4, 1968, pages 304-307.
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Première photo d'une morille de culture (prise par M. Molliard et publiée par J. Costantin, 1936), Laboratoire de Botanique de la Sorbonne, France. |
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